L'avenir de l'État providence en Europe : introduction

parYves POZZO DI BORGO, président de l'institut Jean Lecanuet, ancien sénateur de Paris, Cercle de Belém
16 Novembre 2016
Actualité

Introduction du colloque, co-organisé par l’institut Jean Lecanuet et le Cercle de Bélem, le 2 décembre 2105. L'ensemble des interventions sera publié sur notre site, rubrique "Actualités".

 

Nous sommes heureux de vous recevoir au palais du Luxembourg pour ce colloque  consacré à l’avenir de l’État providence en Europe, organisé en partenariat par l’institut Jean Lecanuet et le Cercle de Belém.

Le thème abordé est, au sens propre, essentiel. Lors d’un précédent colloque de l’institut Jean Lecanuet consacré aux expressions de la puissance, Pierre Vimont, actuellement chargé de l’accueil des réfugiés en Europe, faisait remarquer avec justesse que l’essence de l’Europe n’était pas la volonté de puissance, mais le progrès social. L’article 117 du traité de Rome établit très clairement ce pacte social, ses principes et ses valeurs. Il demande aux États signataires de « promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail » de leur population. Le débat n’est donc pas un sujet accessoire pour l’avenir de l’Europe, bien au contraire.

Pourtant, et notamment au cours de la crise de l’euro, il a été beaucoup dit qu’il fallait moins de social pour sauver la monnaie commune. Tel n’est pas mon avis, non plus sans doute que celui de bien des intervenants ici. L’Europe a besoin à la fois de l’euro et du maintien d’un modèle social de haut niveau. Ceux qui prétendent bâtir l’Europe par la négation de son modèle social d’origine font, à mon sens, fausse route. Surtout, ils risquent de déconstruire l’Europe, donc de tuer l’euro par la même occasion. Se diriger vers un « détricotage » massif de notre État providence serait, par ailleurs, surprenant alors que la plupart des pays, de la Chine aux États-Unis en passant par le Rwanda, s’efforcent de développer le leur.

Toutefois, il faut être réaliste, la concurrence fiscale et sociale qui oppose les États européens est féroce, sans parler de celle que nous livrent les pays émergents avec le bas coût de leur main-d’œuvre. La Commission européenne impose la baisse des dépenses publiques, qui se traduit presque toujours par un recul de l'État providence dans les pays membres confrontés à ces contraintes. De nombreuses personnalités européennes, comme Mario Draghi, parlent librement de la fin de l’État providence européen, sans parler de David Cameron qui veut « encourager le travail plutôt que l’assistance ». Nos concitoyens s’interrogent alors sur l’avenir du système social, sur l’assurance santé, la retraite et les services publics, quels qu’ils soient. Le débat a lieu dans tous les domaines. Prenons l’exemple des droits d’inscription à l’université et l’idée, ou non, d’un modèle social européen à ce sujet.

D’autres questions plus contextuelles apparaissent régulièrement dans l’actualité et sur lesquelles les réponses des intervenants d’aujourd’hui sont attendues : les conséquences du vieillissement démographique, le recul du salariat au profit d’activités réalisées en indépendant ou même le « tourisme social », la manière dont l’Union européenne pourrait promouvoir l’harmonisation des politiques sociales des États. Est-ce encore possible à 28 pays ? 

Nous devrions nous entendre pour convenir que sauver le pacte social européen n’est certainement pas le fossiliser. Le monde et la société évoluent ; l’État providence de demain ne saurait être semblable à celui des années 1970 ou 1980. Le transformer pour mieux rapprocher compétitivité et solidarité ne signifie pas le liquider. Sans doute faut-il déjà mieux distinguer les vrais besoins qui méritent solidarité de ceux qui le méritent un peu moins. Les Pays-Bas semblent s’engager dans cette voie. Certaines dépenses sociales peuvent être un investissement pour l’avenir ; d’autres moins. 

En tout état de cause, il est urgent de proposer une réponse et de sortir du débat, peu productif, entre austérité ou non, État providence ou fin de l’État providence. Derrière le 13 novembre 2015, se cache aussi une forme de désespérance sociale, même s’il ne s’agit pas de la seule raison et encore moins d’une excuse offerte aux auteurs de cette barbarie. Un économiste parlait un jour de paix sociale comme nouvel objectif de l’Europe. Les solutions sont compliquées, car l’Europe ne pourra pas, cette fois, s’en sortir par la dette pour éviter d’avoir à choisir entre compétitivité et protection sociale. Nous ne pourrons pas dépenser l’argent que nous n’avons plus. Alors, il nous faudra bien des réformes pour éviter que notre Europe ne devienne une sorte de paradis perdu dans les décennies à venir.

 

 

Union européenne
Santé
Construction européenne
Démographie
Société
Progrès
État providence