FF 61 - Visuel chronique CISSE - PANORAMA

EWF. Élémentaires, mon cher !

parSylvère-Henry CISSE, journaliste, président de Sport & Démocratie

Articles de la revue France Forum

Earth, Wind and Fire, alchimie musicale.

Février 2016. sans prévenir, à 74 ans, Maurice White s’en est allé. Ce musicien laisse derrière lui une oeuvre immense, en forme de manifeste, sur laquelle des millions de personnes se sont dandinées. Son influence a été déterminante dans les années 1970-1980 pour des foules de tous les âges. Ce nom ne vous dit rien ? Et pourtant, l’ouverture du film Intouchables n’a fait que confirmer la capacité de son groupe Earth, Wind and Fire (EWF) à fabriquer des chansons à fredonner.

Né à Memphis dans le Tennessee, en 1941, c’est à Chicago que Maurice White a appris la batterie. Son talent s’exprime dès les années 1960 dans des enregistrements essentiels et sensibles. Il joue alors avec les plus grands : Buddy Guy, John Lee Hooker, Etta James, Muddy Waters.

À une époque de tous les possibles et à la concurrence rude, Maurice White accompagnera à la rythmique la chanteuse Fontella Bass dont le tube « Rescue Me » déclenchera les passions. En 1966, il frappera les peaux sur le mythique « Wade in the Water » du Ramsey Lewis Trio.

Maurice White a besoin de nouveaux horizons. Il déménage à Los Angeles où il fonde Earth, Wind and Fire au début des années 1970. Un nom tiré des principaux éléments de l’astrologie. Le concept du groupe de funk est un syncrétisme spirituel gagnant où se mélangent les Évangiles de son enfance, la fascination pour la mythologie égyptienne découverte lors d’une tournée avec Ramsey Lewis et une philosophie de la vie résolument positive. La formule fonctionne. Maurice White et son frère, Verdine, recrutent le guitariste Al McKay, la monumentale section de cuivres Phenix Horns, puis accueille l’indispensable Falsetto Philip Bailey. Le combo de grands talents se renforce avec les extraordinaires choristes The Emotions. Ensemble, ils vont réussir le tour de force de faire danser la planète entière avec des titres à la structure complexe, mais à la mélodie très accessible, dans une discographie consacrant l’amour d’autrui.

« Let’s groove », « Boogie Wonderland », « Sing Song », « Fantasy », « September » et bien d’autres succès planétaires, Maurice White et EWF inventent, en pleine période disco, le glam funk. Une musique flamboyante et solaire dont les refrains s’impriment jusqu’à l’obsession dans les moindres instants de notre quotidien. Sur scène, les membres du groupe portent des tenues psychédéliques à strass et à paillettes qui leur donnent des allures improbables, à la manière d’un David Bowie (lui aussi parti sans prévenir en janvier 2016). Les concerts du groupe sont des petits bijoux de mise en scène, un concentré d’effets spéciaux où des musiciens et leurs instruments, même la batterie, tournoient dans les airs.

Maurice White est un batteur-chanteur, mais aussi un auteur-compositeur, arrangeur et producteur. s’il a produit « Free », en 1976, le tube de Deniece Williams, et co-écrit avec ses choristes le puissant « Best of my Love », il a également oeuvré avec Barbra Streisand, Barry Manilow et Neil Diamond.

Mais ne vous trompez pas ! Avec près de 100 millions d’albums vendus à travers le monde, Earth, Wind and Fire n’est pas qu’une machine à danser l’insouciance et l’innocence affichées. En pleine lutte pour les droits civiques aux États-Unis, le groupe a affirmé sa négritude en insufflant des rythmes africains dans sa musique avec le kalimba, sorte de petit piano à pouces doté de lamelles. En 1971, EWF signe la bande originale de Sweet Sweetback’s Baadasssss Song, film militant de Melvin Van Peebles à l’origine de la création du genre cinématographique Blaxploitation. Il sera le premier groupe de musique noire à jouer à guichets fermés au Madison square Garden de New York.

Si Earth, Wind and Fire est toujours aussi influent à ce jour, c’est autant par ses ventes que par ses concerts qui réunissent des femmes et des hommes de toutes les couleurs, de tous les âges et de toutes les communautés.

Atteint de la maladie de Parkinson, Maurice White cesse de tourner en 1994. Aujourd’hui encore, bien que disparu, son esprit reste très présent dans une formation toujours aussi étincelante qui se produit dans le monde entier. 

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