La victoire de Donald Jay Trump

parAlbert KALAYDJIAN, chargé de mission au Sénat
10 Novembre 2016
Actualité

La victoire de Donald Trump est une surprise pour le plus grand nombre. Quels ont été les facteurs du raz-de-marée républicain ?

Il aura fallu 501 jours, temps écoulé depuis le 16 juin 2015, date de déclaration de sa candidature, pour faire de Donald Trump le 45e président des États-Unis d'Amérique. Personne n’imaginait alors qu’il passerait le cap de la précampagne de l'été 2015, encore moins qu’il franchirait tous les obstacles pour arriver aux portes de la Maison Blanche, triomphant de ses 16 concurrents républicains, déjouant les pronostics des sondages et des observateurs en battant la supposée favorite, Hillary Clinton.


UNE VICTOIRE DES RÉPUBLICAINS AU CONGRÈS. Alors que les prévisions faisaient du Parti républicain le probable vainqueur des élections au Congrès, il était difficile d'imaginer une victoire démocrate à la présidence des États-Unis. Pourtant, de manière peu compréhensible, les sondages donnaient la victoire à Hillary Clinton avec deux points d'avance.

À l'issue du vote, les républicains obtiennent à la Chambre des représentants 236 élus, contre 233 sortants, soit un gain de 3 sièges. Dans le Wisconsin, la victoire n'échappe pas au républicain Paul Ryan, président de la Chambre, qui devrait ainsi conserver son siège. La stabilité est complète au sein de la Chambre basse et le futur président des États-Unis y conservera une large majorité. Au Sénat, la bataille fut plus incertaine, mais les républicains conservent 53 élus sur 54 sortants, ne perdant qu'un seul siège. Là aussi une remarquable stabilité. 

En Floride, surmontant sa déception après son échec aux élections primaires, le républicain Marco Rubio, qui avait renouvelé sa candidature à la dernière minute dans cet État qui l'avait désavoué, l'a emporté sur le démocrate Patrick Murphy. Les observateurs faisaient de cet État un État en balance alors qu'il demeure parfaitement républicain.

En Caroline du Nord, le républicain Richard Burr l'emporte de justesse sur la démocrate Déborah Ross. Dans le Missouri, le scrutin s'annonçait serré. Pourtant, là aussi, Roy Blunt, républicain sortant, a triomphé du démocrate Jason Kander.

Au Nevada, en revanche, là où le président du groupe démocrate au Sénat, Harry Reid a annoncé sa retraite, la démocrate Catherine Cortez Masto, grâce à une campagne particulièrement dynamique, l'a emporté de justesse sur Joe Heck, le républicain, créant l'une des rares surprises de la campagne sénatoriale.

Au New Hampshire, la républicaine Kelly Ayotte a remis son siège en jeu et a réussi à le conserver face à la démocrate Maggy Hassan, dans un État pourtant gagné sur le fil par Hillary Clinton.

En Indiana, le démocrate Evan Bayh n'a pas réussi à défier le républicain Todd Young qui conserve un très léger avantage dans cet État où la course à la Maison-Blanche était aussi très disputée.

Mais le choc a eu lieu en Pennsylvanie où le républicain Pet Tooney, qui ne soutenait pas officiellement Donald Trump pour ne pas froisser une partie de l'électorat de cet État qui votait démocrate depuis 1988, l'a emporté sur Katie McGinty. Finalement, c'est dans l'Illinois qu'a eu lieu la seule véritable victoire démocrate : Mark Kirk, le républicain qui remettait son siège en jeu a été vaincu par sa rivale Tammy Duckworth. Enfin, pas de surprise dans le Wisconsin où le sortant Ron Johnson a conservé son siège face au démocrate Ross Feingold.


L'INSUFFISANT SURSAUT DÉMOCRATE. Au Sénat, le Parti démocrate a regagné le siège de l'Illinois et a surtout fait une progression remarquable à la Chambre des représentants au sein de laquelle il obtient un gain total de 10 sièges. Le parti a su mobiliser les jeunes, les Afro-Américains, les Latino-Américains, les femmes. Mais il n'a pas réussi à convaincre les ouvriers, les paysans, les employés, les chômeurs et même une partie de l'électorat juif traditionnellement démocrate. Trump a promis de transférer l'ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem, son programme antimusulman a su séduire.

Les démocrates étaient soutenus par l'ensemble des médias, des milieux intellectuels et artistiques. Mais la limite de l'épure s'est révélée. La majeure partie de la classe moyenne américaine et les petits entrepreneurs ne se sont pas reconnus en Hillary Clinton à la fois candidate des élites et des minorités ethniques et sexuelles. Ces dernières forment rarement une majorité : Barack Obama a été l'exception. Pourtant, le Parti démocrate a triomphé en Californie et à New York, deux des États les plus importants. Le parti n'a plus l'oreille des syndicats même s'il gagne dans les grandes cités urbaines.


LA VICTOIRE PERSONNELLE DE DONALD TRUMP. Donald Trump est, depuis le général Eisenhower en 1952, le premier président élu non issu de la classe politique. Comme lui, il n’a jamais été élu à la moindre charge publique (municipale, législative, etc.). Toutefois, il récolte moins de suffrages exprimés que Hilary Clinton. L'écart de voix, très faible, est le plus petit depuis Kennedy et Nixonv en 1960.

La gauche américaine ne s'est pas retrouvée dans la candidate démocrate. Non seulement les électeurs noirs ne se sont pas beaucoup mobilisés malgré une campagne active de Barack et Michelle Obama, mais les partisans de Bernie Sanders ont, pour certains, voté Trump afin de casser le système, ou bien se sont abstenus. De plus, l'écologiste Jill Stein, comme Ralf Nader l'avait fait en 2000, a pris des voix au camp démocrate.

Chacun se demande encore comment Donald Trump a pu gagner. La réponse est plurielle. Tout le long des Appalaches, la mondialisation heureuse a été sanctionnée : elle ne l'est pas pour les ouvriers de l'automobile, de l'acier, des mines de charbon… en somme pour la working class délaissée par les élites démocrates. La sanction est tombée.

La Pennsylvanie, un des États clé pour accéder à la présidence, qui n’avait plus voté républicain depuis Ronald Reagan en 1984, a donné la victoire à Trump. Un véritable séisme qui a bouleversé tous les pronostics. En réalité, très tôt dans la nuit, la victoire qui s’y dessinait annonçait le succès républicain. La Pennsylvanie est un État du fondamentalisme protestant qui s'opposait également à certaines des positions démocrates (mariage gay, avortement, drogue). Avec ses 20 grands électeurs, le basculement républicain devenait prévisible.

Il y eut ensuite le Michigan, jadis État de Gerald Ford, président républicain, avec ses 16 grands électeurs et le Minnesota, pourtant promis aux démocrates, avec ses 10 grands électeurs. Cela a suffi pour transformer la victoire promise aux démocrates en déroute : 225 grands électeurs pour Hillary Clinton contre 313 pour Donald Trump.

Pour les républicains : Alabama 9, Alaska 3, Arizona 11, Arkansas 6, Caroline du Nord 15, Caroline du Sud 9, Dakota du Nord 3, Dakota du Sud 3, Floride 29, Géorgie 16, Idaho 4, Indiana 11, Iowa 6, Kansas 6, Kentucky 8, Louisiane 8, Maine 2 (proportionnelle), Mississipi 6, Missouri 10, Montana 3, Nebraska 2 (proportionnelle), Ohio 18, Oklahoma 7, Tennessee 11, Texas 38, Utah 6, Virginie occidentale 5, Wyoming 3. Total : 313 grands électeurs et 30 États.

Pour les démocrates : Californie 55, Colorado 9, Connecticut 7, Delaware 3, Hawaï 4, Illinois 20, Maine 2 (proportionnelle), Maryland 10, Massachusetts  11, Nebraska 3 (proportionnelle), New Hampshire 4 (pour 326 voix), New Jersey 14, New York 29, Nouveau Mexique 5, Oregon 7, Rhode Island 4, Vermont 3, Virginie 13, Washington 12, District fédéral de Columbia 3. Total : 225 grands électeurs et 20 États.

La transition s’annonce sereine pour Donald Trump. Il va composer son cabinet et est assuré du concours du Sénat qui doit donner son approbation. Le président Obama lui a promis son concours dans la grande tradition américaine. Le 19 décembre prochain, il sera formellement désigné par le Collège des grands électeurs. Le 20 janvier, il prêtera serment et pourra ensuite nommer le 5e juge conservateur sur 9 à la Cour suprême. Les États-Unis s’engagent sur un chemin nouveau semé de surprises et la face du monde en sera durablement changée.

Systèmes politiques
Société
Gouvernance mondiale
Amérique
Idéologies
Populations
Démographie
Analyses