Les élections législatives britanniques

parKate JENKINS, vice-présidente de la Cour des gouverneurs de la London School of Economics
17 Août 2017
Actualité

La politologue Kate Jenkins nous livre son analyse de la scène politique britannique peu après les élections législatives.

Institut Jean Lecanuet. Les attaques terroristes qui ont frappé le Royaume-Uni ces derniers mois ont-elles forcé Theresa May à changer ses positions sur certains sujets de sécurité ? 

Kate Jenkins. – Theresa May est dans une situation difficile étant donné qu’elle ne dispose plus que d’une majorité de 62 députés face au parti travailliste. Néanmoins, le résultat de l’élection est bénéfique pour le Royaume-Uni bien qu’il mette Theresa May dans cette position relativement inconfortable. À présent elle doit avancer prudemment à chaque étape et convaincre les personnes du bien-fondé de ses propositions car elle n’est plus en position d’imposer les choses. Cela peut représenter un avantage considérable pour le pays dans les négociations du Brexit à venir.

Les attaques terroristes n’ont pas eu un impact particulier sur le climat politique. Elles ont profondément choqué, en particulier celles de Manchester et de London Bridge, mais je pense que les citoyens voient ce genre d’horreurs comme étant indépendants de la politique au jour le jour.

IJL.Theresa May travaille à un accord avec les députés du Democratic Union Party of Northern Ireland (DUP) de façon à sécuriser sa majorité parlementaire. Cet accord, négocié au forceps, pourrait-il donner de la voix aux autres partis indépendantistes au Royaume-Uni ?

KJ. – Theresa May rencontre des difficultés avec le Democratic Union Party of Northern Ireland (DUP) car ce dernier demande des contreparties financières en échange de son soutien au Parlement. Ce genre de marchandage est très mal vu au Royaume-Uni et il est surprenant que le parti nord-irlandais continue dans cette voie.

Il y a toujours eu à Westminster des demandes de financement supplémentaire pour les régions décentralisées, tout comme pour l’Angleterre, et donc encore plus depuis la signature de l’accord entre Theresa May et le DUP. Cet accord pourrait avoir des conséquences sur les revendications des autres partis indépendantistes (le Sinn Féin d’Irlande, le Plaid Cymru du pays de Galles et le Scottish Nationalist Party), mais ce sont des acteurs politiques de second plan, au moins ces derniers temps. Le parti nationaliste écossais a perdu près de la moitié de ses sièges au Parlement, passant de 70 sièges à 36. Le parti nationaliste gallois, quant à lui, n’a jamais disposé d’un grand nombre de votes et le parti indépendantiste irlandais ne prend jamais part aux débats au sein des Communes.

Il semble donc que la thématique nationaliste ne soit pas d’actualité pour le moment. Les revendications indépendantistes ne constituent pas, actuellement, un réel sujet pour le parti travailliste ou pour le parti conservateur.

Concernant les votes au sein de la Chambre des communes, le DUP a voté comme il le fait toujours, avec les conservateurs, à l’exception de sujets qui concernaient expressément l’Irlande du Nord. Se pose aussi la question des sept autres voix républicaines irlandaises du Sinn Féin. Les députés du Sinn Féin ne siègent volontairement pas au parlement britannique, ce qui pourrait augmenter la marge de manœuvre des conservateurs. En fait, huit votes ne sont pas comptés : les sept du Sinn Féin et celui du président de la Chambre des communes car il n’est pas autorisé à se prononcer. Cela pourrait donc offrir à Theresa May une position plus confortable si elle obtient la garantie des dix votes des députés du DUP.

IJL.Certaines mesures de Theresa May sont assez mal reçues par l’opinion publique. Serait-il possible qu’un amendement de l’opposition soit voté au Parlement, forçant Theresa May et son gouvernement à démissionner ?

KJ. – Constitutionnellement, si un gouvernement perd un vote sur un sujet majeur au sein des Communes, le gouvernement doit remettre sa démission. Toutefois, l’opposition doit obtenir la majorité absolue lors du vote.

Le parti travailliste a fait le choix de se positionner comme une force d’opposition à même de remplacer le gouvernement si celui-ci devait démissionner. Néanmoins, il n’a eu de majorité ni aux Communes ni dans le vote populaire ; il n’a donc pas la légitimité pour prétendre gouverner. Il n’a tout simplement pas les soutiens nécessaires au Parlement.

IJL.Où en sont les relations entre le Royaume-Uni et les États-Unis ? Une détérioration de la relation américano-britannique pourrait-elle forcer le Royaume-Uni à se rapprocher de son voisin européen et ainsi réduire la marge de manœuvre de Theresa May dans les négociations du Brexit ?

KJ. – Les relations diplomatiques entre le Royaume-Uni et les États-Unis sont plutôt stables dès lors que le Premier Ministre britannique et le président américain s’entendent bien. Jusque-là, il semble que Theresa May et Donald Trump parviennent à s’entendre, mais le président américain sait qu’il n’est pas populaire au Royaume-Uni. Il est peu probable que cela ait une incidence sur le Brexit car jusqu’à présent, à l’exception de quelques sottes remarques, Donald Trump s’est tenu à l’écart du sujet.

L’élément central dans les négociations du Brexit tient à la capacité de l’Union européenne et des Britanniques à trouver un accord sans trop se chamailler. Plus les discussions seront tendues entre les deux parties, plus le peuple britannique sera déterminé à quitter l’UE.

L’Europe pourrait avoir une approche plus bienveillante et réaliste. Il serait souhaitable qu’elle soit plus subtile et, de l’autre côté, que les Britanniques aient plus d’assurance dans les négociations. Les deux parties devraient oublier les tensions dues au résultat du référendum et penser au futur.

IJL.Pourquoi la question des citoyens européens résidant au Royaume-Uni est-elle si importante dans les négociations à l’œuvre ?

KJ. – Les 3 millions de citoyens européens résidant au Royaume-Uni contribuent considérablement à l’économie britannique. C’est un problème qui prend de l’ampleur depuis des années ; il n’y a pas de réponse facile et ce sera clairement un des points d’achoppement dans les négociations.

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