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Les moteurs du terrorisme

parXavier RAUFER, Criminologue, directeur des études du DRMCC de l’université Paris II-Panthéon-Assas

Articles de la revue France Forum

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Tout au long de ma carrière, j’ai eu l’occasion de côtoyer des terroristes : chef d’état-major de l’IRA, terroristes de la Fraction armée rouge allemande, chefs des Brigades rouges, etc.

La frustration est la poche de grisou du terrorisme – elle n’en est pas le détonateur. Le détonateur est toujours, et partout, le sentiment d’urgence : il faut agir aujourd’hui car, demain, il sera trop tard – demain, pour Action directe, l’impérialisme aura déclenché la guerre nucléaire, comme le prévoyait Lénine dans L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme. Demain, pour l’IRA, les bons Irlandais seront noyés dans les Britanniques. Demain, pour l’ETA, les Basques auront culturellement disparu.

Il faut prendre en compte ces deux dimensions – la frustration et l’urgence – pour repérer efficacement les personnes à risque. Il s’agit de microchirurgie, à l’opposé de la pêche au chalut qu’est le Big Data.

Une conversation de deux heures avec le chef d’état-major de l’IRA est plus prédictrice que tous les ordinateurs du monde. En 1984, lorsque je l’ai rencontré, je lui ai demandé quelle coopération ils avaient avec d’autres groupes européens de lutte armée – il ne faut jamais employer le mot « terrorisme » avec un terroriste. Il a complimenté l’ETA qui allait s’entraîner avec l’IRA chez les FARC colombiens à la manipulation des explosifs. Le FLnC a, en revanche, suscité du mépris et de la dérision chez mon interlocuteur. Dès 1984, l’IRA savait ce que nous avons mis bien des années à apprendre : le FLnC n’est pas une organisation nationaliste, mais une coalition de bandits dont le rêve ultime est de posséder une villa à 3 millions d’euros avec des robinets en or massif. Pas plus qu’au Moyen Âge l’information ne circule aujourd’hui spontanément : il faut apprendre en allant sur le terrain.

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