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Préparer dès maintenant la vague migratoire de 2050

parNicolas BOUZOU, économiste, président d’Astérès

Articles de la revue France Forum

La question centrale de la démographie mondiale n’est pas celle de la surpopulation.

La question centrale de la démographie mondiale n’est pas celle de la surpopulation, concept imprécis et peu pertinent surtout dans un contexte de ralentissement démographique ! Dans la plupart des pays émergents, les taux de fécondité baissent pour converger vers 2 % suivant la logique classique de la transition démographique. La population mondiale se stabilisera entre 10 et 11 milliards d’individus sans qu’il existe de critères scientifiques pour affirmer que c’est beaucoup ou peu. Le vrai sujet intellectuel et politique n’est pas celui de la population en tant que telle, mais celui de la question migratoire qui a déjà commencé à déstabiliser l’Europe, alors même que l’essentiel de la vague est devant nous. Le réchauffement climatique et, pour certains pays, les différentiels opiniâtres de développement économique risquent de presser les populations du Sud vers les pays du Nord. Voilà un sujet par définition multilatéral qui mériterait qu’on y affecte plus de ressources intellectuelles qu’à se demander si nous sommes trop nombreux ou non.

Dans son excellent ouvrage La ruée vers l’Europe1, le journaliste américain Stephen Smith apporte plusieurs éléments factuels, essentiels si les Européens veulent anticiper et maîtriser la vague migratoire qui s’annonce. Premièrement, les immigrants ne viennent pas des pays les plus pauvres, mais des pays émergents. Et, au sein des pays émergents, ce ne sont pas les populations les plus fragiles qui émigrent, pour une raison finalement évidente : partir de son pays coûte cher (plusieurs milliers d’euros). Ce sont donc les jeunes les plus dynamiques, souvent diplômés, qui quittent le nigeria, le Kenya ou le Ghana. Ainsi, penser que l’aide au développement retient les Africains sur leur continent est une erreur  : elle peut, au contraire, leur donner les moyens d’en partir. Deuxièmement, cette vague migratoire est pour l’essentiel devant nous. Elle atteindra son paroxysme quand l’ensemble de l’Afrique saharienne sera émergent, quand sa population représentera 25 % de la population mondiale et quand le changement climatique rendra les villes côtières de faible altitude invivables. Ces conditions seront toutes réunies d’ici à 2050. troisièmement, les pays de destination des migrants sont ceux où le marché du travail est tendu et où existe déjà une diaspora d’où l’attrait, par exemple, du Royaume-Uni.

Une vision purement permissive de l’immigration est utopique. Les peuples européens sont attachés à une forme d’identité et, concrètement, la capacité d’absorption de nouvelles populations par nos états providence est limitée. La saturation de nos systèmes de soins en est un exemple. toutefois, l’Europe doit accepter chaque année un flux significatif d’immigrés : parce qu’un continent qui se ferme se fossilise ; parce que la démographie européenne l’exige. Déjà, la croissance de nos entreprises est contrainte en raison des difficultés de recrutement. En France, plus de 40 % des petites et moyennes entreprises (PME) se plaignent de ne plus pouvoir croître car elles n’arrivent pas à embaucher. En matière de migration, tout est question de tempérance, de finesse et de courage politique. Flatter les passions est contre-productif. Au-delà de l’asile, les pays doivent coopérer entre eux sur la base du principe d’une immigration choisie qui ne vide pas le pays d’origine de ses forces vives et qui n’excède pas les capacités du pays d’accueil. Voilà ce qu’il faut expliquer à nos concitoyens.
 

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1. La ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route pour le vieux continent, Grasset, 2018.

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