Les trois partenaires de la maintenant célèbre coalition « jamaïque » auraient peut-être dû se repasser quelques bons vieux tubes reggae de Bob Marley ou de Peter Tosh pendant les pauses pour faire avancer les discussions. Cela n’a pas été le cas et, aujourd'hui, c'est une incertitude qui domine. Nouvelles élections législatives (ce qui n’est pas si simple institutionnellement), médiation par le président Frank-Walter Steinmeier, gouvernement minoritaire soutenu au cas par cas par le SPD, reprise des pourparlers : les scénarios sont  assez nombreux et la chancelière n’a certainement pas dit son dernier mot. Reste que beaucoup d’observateurs glosent sur « la chancelière qui chancelle », sur la fin du consensus à l’allemande, sur les effets de cette instabilité sur le couple franco-allemand. Cela dit, il n’est pas tout à fait faux de remarquer que, quand la France va mal, l’Allemagne va bien, et inversement.

Bien sûr, l’Allemagne et l’Europe se seraient volontiers épargné cette crise et ces inconnues politiques relativement inédites dans l’histoire institutionnelle allemande. Et pourtant, il y a aussi du bon dans cette rupture. Le bon, c’est la franchise de ces trois partis à l'égard des Allemands. En désaccord sur le fond – l’immigration, le climat, l’énergie notamment –, ils prennent acte qu’ils ne peuvent pas gouverner ensemble. Pas de faux-semblant, pas d’hypocrisie, juste la raison qui l’emporte. Le contrat de coalition ne peut être paraphé que si un accord est trouvé sur le fond. Pas question de vouloir le pouvoir pour le pouvoir, pas question de faire le contraire de ce que l’on avait promis, pas question d’avoir des « frondeurs » qui menacent l’unité de la majorité et bloquent les réformes. Derrière l’incertitude, une leçon de démocratie à méditer...