Covid-19 et mythologie (2)
On se souvient que Prométhée et Epiméthée, les deux titans, avaient donné aux hommes les moyens de se protéger des attaques des animaux et aussi de se nourrir.
En revanche, ils ne leur avaient pas montré comment vivre en société. Zeus, conscient de cet oubli et redoutant que l’espèce humaine ne fut ainsi anéantie, envoya alors Hermès lui porter Justice et Vergogne. Les hommes purent ainsi organiser le bien commun et la Cité moderne apparut.
Les réponses apportées par les Etats à la crise sanitaire montrent, cependant, que Zeus n’avait pas donné aux hommes un mode d’emploi complet. Ainsi, ceux qui espéraient, grâce à la crise, trancher pour de bon le débat entre centralisation et décentralisation en seront pour leurs frais. Alors que l’épidémie ravageait l’Italie du Nord et que la France ne comptait encore que quelques cas, certains observateurs conclurent rapidement à la supériorité des Etats centralisés sur les Etats régionalisés. Le système de soins italien aurait été victime d’inégalités d’investissement et d’une réactivité aléatoire dues à une santé aux mains de ses régions. La centralisation française, au contraire, allait montrer, dans ces temps de crise, son indéniable supériorité sanitaire et logistique. Il n’aura fallu que quelques semaines pour constater qu’il n’en était rien et que la France allait subir une catastrophe identique à celle de son voisin transalpin.
Masques, blouses, tests, respirateurs, médicaments, le président de la République, Emmanuel Macron, avait beau appuyer sur son habituel bouton de commande, plus rien ne répondait. Pire, force était d’observer qu’en Allemagne, État fédéral modèle avec ses Länder tout-puissants, les choses se passaient finalement beaucoup mieux. Moins de décès, plus de tests, une bonne coopération entre les différents acteurs et, au total, une plus grande confiance de la population dans ses dirigeants. En France, cette centralisation qui devait rassurer aura finalement surtout inquiéter par son inertie et ses revirements. Le service public à la française sort grandi de cette épreuve par le dévouement de ses agents qu’il s’agisse des personnels hospitaliers, des enseignants ou des fonctionnaires des collectivités. À l’évidence, ce ne sera pas le cas de notre système centralisé. Concilier service public et décentralisation sera un travail de titan, mais aussi un des enjeux les plus passionnants des prochaines années.