Et durant la trêve de Noël...
La trêve de noël en France, mais pas dans le reste du monde.
L’actualité à travers le monde ne s’est pas emballée durant la trêve de Noël. Quelques situations se sont précisées, quelques étapes ont été franchies. Des initiatives ont même été prises par des pouvoirs politiques en fin de vie comme les gouvernements américain et français.
L’ISOLEMENT CROISSANT D’ISRAËL. Le 23 décembre 2016, le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies a adopté, par quatorze voix et une abstention, celle des États-Unis, la résolution 2334 qui condamne l’État d’Israël pour ses implantations nouvelles dans les territoires occupés et interdit toute nouvelle extension de ces colonies. C’est la première fois depuis 1980 – il s’agissait alors de l’annexion de la partie jordanienne de Jérusalem, consacrée capitale de l’État – que le Conseil de sécurité condamne Israël dans de telles conditions d’isolement.
Cette résolution marque une nouvelle étape dans l’histoire des relations d’Israël avec la Maison de verre. Elle est le produit de manœuvres politiques des cinq membres permanents et d’intenses tractations au sein de l’organisation. La Russie voulait attirer l’attention sur un autre territoire que la Syrie et se ménager des amitiés arabes. La Chine souhaitait, et souhaite toujours, prendre pied dans la région. Le Royaume-Uni poursuit sa politique pro-arabe initiée depuis son mandat sur la Palestine. Jusque-là, rien de très nouveau.
La France, elle, a joué un jeu pour le moins curieux. Il suffit de lire la presse internationale pour comprendre qu’il n’y a plus de gouvernement français aux yeux de nos partenaires étrangers. Non seulement parce que le chef de l’État ne se représente pas – la situation s’est déjà produite par le passé –, et que, pour la première fois depuis avril 1958, le chef du gouvernement, nommé le 6 décembre dernier, apparaît comme un intérimaire – tout comme Pierre Pflimlin en son temps –, mais aussi parce que le responsable de la diplomatie française est, aujourd’hui, inaudible sur la scène internationale. Ce constat est dû à l’intransigeance des positions françaises sur un certain nombre de dossiers (Ukraine, Syrie, Iran et maintenant Israël), fondées sur une diplomatie des droits de l’homme devenue plus exigeante que celle de l’Administration américaine, cette dernière poursuivant, de son côté, ses propres objectifs.
À Manhattan, la France a choisi un auteur pour présenter cette résolution : l’Égypte du maréchal al-Sissi, pourtant issue d’un coup d’État militaire. Le texte aurait pu prévoir des sanctions à l’encontre de l’État hébreu, mais pour écarter le probable veto américain, il fallait y renoncer. À Washington, le président Obama, en fin de mandat et en situation d’échec, a voulu prendre une initiative politique pour gêner son successeur, ce qui ne se fait jamais et n’a pas de précédent. Le gouvernement de Tel-Aviv, quant à lui, n’est pas à ce point resté inactif. La diplomatie israélienne, toujours très efficace, a utilisé les bons arguments pour convaincre l’Égypte de retirer sa motion. Le jeudi 22 décembre au soir, le sort de la résolution semblait jeté.
Pourtant, à la surprise générale, le lendemain, le gouvernement du Sénégal reprenait à son compte le texte et le déposait sur le bureau d’un secrétaire général de l’Onu bienveillant, lui aussi au bout du bout de son mandat. La visite d’État à Paris du président sénégalais, Macky Sall, n’y est, sans doute, pas étrangère. Le Venezuela, antiaméricain pourtant, s’y est associé ; Singapour, pro-américain et pas vraiment un modèle de démocratie, a cosigné le texte ; la Nouvelle-Zélande, traditionnellement pro-arabe, a complété le tableau.
Les conséquences de l’adoption de cette résolution sont catastrophiques pour le processus de paix. Le Quartet (Onu, Union européenne, États-Unis et Russie), dans ces conditions, n’obtiendra rien du gouvernement israélien. L’État juif ne cédera sur rien car son opinion publique est traumatisée par les attentats incessants sur son territoire, le dernier, revendiqué par Daesh, s’étant produit à Jérusalem dimanche. Il faut savoir que l’électorat israélien est de plus en plus orienté à droite. En représailles, le ministre de la Défense, Avigdor Liberman, a dénoncé la Conférence internationale sur le Proche-Orient qui doit se tenir le 15 janvier à Paris, y voyant une « version moderne du procès Dreyfus, avec l’État d’Israël et le peuple juif sur le banc des accusés ». Il a même été jusqu’à suggérer aux juifs français de quitter un pays, selon lui, trop ouvertement favorable à la cause palestinienne.
LA MAINMISE RUSSE AU PROCHE-ORIENT. Personne n’aurait imaginé, il y a quarante ans, une telle situation au Proche-Orient. L’ours russe, longtemps humilié, s’est réveillé. La Russie qui avait hérité de l’Union soviétique une position stratégique en Syrie, la base aéronavale de Tartous, a repris l’initiative dans la région. Depuis le 30 septembre 2015, l’aviation russe est entrée en action et il lui aura fallu quinze mois pour remettre en selle le pouvoir vacillant de Bachar al-Assad, aujourd’hui maître de la Syrie « utile ». La politique américaine qui visait à encourager les révolutions arabes, les rebelles modérés, au profit de régimes démocratiques, a échoué.
Une partie de la population d’Alep (celle qui ne devait pas endurer les bombardements incessants) a accueilli avec soulagement la prise du secteur Est aux mains de deux groupes islamistes, dont al-Nostra, proche d’al-Qaida. Aujourd’hui, le gouvernement de Damas est encore soutenu par environ 40 % de la population, chiites, Druzes et chrétiens orientaux. La coalition politique au pouvoir regroupe le Baas, parti socialiste arabe, les nationalistes syriens, le parti communiste et les syndicats au sein d’un Front national syrien. Les opposants modérés regroupent la droite libérale, les conservateurs, partisans d’une Grande Syrie incluant le Liban et les Kurdes aspirant à l’indépendance d’un Kurdistan.
La Turquie voisine s’est aussi rapprochée de la Russie, compte tenu de sa situation politique intérieure. Washington a toujours marqué sa préférence envers les kémalistes, civils ou militaires selon les moments, toujours fervents contempteurs de l’Alliance atlantique et d’accords militaires étroits avec les États-Unis. Le coup d’État du 15 juillet 2016 porte, en effet, pour certains, la marque de la CIA. L’ampleur du complot, qui a donné lieu à une répression très forte, voire démesurée, témoigne de l’importance des relais dans l’administration, la police, la gendarmerie et l’armée. Convaincu du danger, le président Erdogan s’est tourné vers Moscou au prix d’un compromis au Caucase et d’une neutralisation avec l’Iran.
Car se poursuit, au Yémen, une guerre oubliée menée par l’Arabie saoudite et l’Iran interposés. Le contrôle de la péninsule arabe est au cœur du contentieux americano-russe. Bahreïn est l’arrière-cour du conflit yéménite où déjà l’Arabie saoudite était intervenue en 2011 pour maintenir un pouvoir sunnite minoritaire. L’intermède politique qu’a représenté l’élection présidentielle américaine a été bien mis à profit par Moscou.
UNE EUROPE DESEMPARÉE. L’Union européenne est, aujourd’hui, en déshérence. La France a pris l’initiative d’une Conférence internationale sur la paix qui se tiendra à Paris à partir du 15 janvier. Mais l’Administration américaine sera alors à cinq jours de la fin de mandat.
L’Espagne vient de vivre deux mois de gouvernement Rajoy minoritaire. La réalité est que le pays devient ingouvernable. En effet, la situation politique à Madrid montre un pays fatigué de l’alternance parti socialiste/parti populaire. Podemos se déchire entre Pablo Iglesias, chef charismatiques pur et dur, et son adversaire Iñigo Errejon, prêt à gouter aux délices du pouvoir. Ciudadamos ne représente qu’une élite bourgeoise et intellectuelle, sans ancrage populaire. Alors les revendications régionalistes font flores.
En Italie, le discours du 31 décembre du président Matarella a été clair : il a parlé d’élections législatives « possibles ». En réalité, dès la loi électorale votée, le gouvernement du président du conseil, Paolo Gentiloni, aura vécu et les élections générales devraient amener le Mouvement cinq étoiles à un niveau record.
En Allemagne, un sondage paru récemment donne « Alternative pour l’Allemagne » à 15 % des suffrages, ce qui serait considérable. En Grèce, selon un sondage, Alexis Tsipras serait menacé, le pouvoir reviendrait aux centristes de la Nouvelle Démocratie qui recueilleraient 26 % des suffrages.
En Europe centrale et orientale, les populistes ont profité des fêtes de la Nativité pour insister sur le caractère chrétien de leurs États et s’opposer à un tout nouveau programme migratoire européen. Enfin, en Autriche, les hiérarques socialistes, grands élus régionaux, ont lancé une vaste campagne pour favoriser un possible accord de gouvernement avec la droite extrême du FPO, à l’occasion des élections générales du 1er octobre prochain.
TRÈVE AU CONGO. Le dernier jour de l’année 2016, un accord politique de transition a été conclu à Kinshasa. Le président Joseph Kabila, dont le mandat expirait le 19 décembre, ne pouvait briguer un troisième mandat interdit par la Constitution. Pourtant, il a fait de grands efforts pour bousculer le sort. Mais l’ampleur des manifestations, la dégradation de la situation intérieure, les pressions de l’Union africaine ont été les plus fortes. La hiérarchie catholique a pesé de tout son poids et la crainte d’une guerre civile a été décisive.
L’élection présidentielle congolaise devrait se dérouler d’ici à décembre prochain. L’actuel président de la République n’aura pas le droit de se représenter. Un gouvernement de coalition avec un Premier ministre indépendant dirigera le pouvoir. Le dernier jour de son mandat, un gouvernement présidé par Mandebanga a été formé. Le débat d’investiture, le 21 décembre dernier, retransmis à la RTNC (la radio-télévision nationale congolaise), a été très intéressant. Un gouvernement pléthorique, représentant les différentes régions, des ministres attentifs, des parlementaires incisifs, les débats ont duré plusieurs heures et laissaient présager un accord politique. La transition congolaise, si elle réussit, permettrait, pour la première fois, une transmission en douceur du pouvoir. Ce serait une réussite politique pour l’Union africaine.
Un nouveau secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, s’est installé le 1er janvier. Il annonce des réformes en profondeur de l’Organisation des Nations unies et des améliorations dans son fonctionnement. Il aura fort à faire car la bureaucratie onusienne est pléthorique et coûteuse. Mais sa réforme heurtera de front bien des intérêts et des habitudes. Il en a pris l’engagement. Affaire à suivre…