Il existe peu de cas dans l’histoire de l’humanité où les liens entre deux régions se sont montrés aussi forts que ceux qui unissent les deux rives de la Méditerranée. Si l’on s’en tenait à des conceptions géopolitiques rudimentaires, la « mer du milieu » ne serait rien de plus qu’une frontière naturelle séparant deux territoires. Or, l’Histoire semble indiquer que celle-ci est plus un facteur d’intégration que de différenciation ou de fracture. Les deux rives ont toujours échangé, en temps de guerre comme en temps de paix, depuis l’aube des civilisations. Les deux régions ne seraient pas ce qu’elles sont sans cette influence mutuelle. Le véritable problème de la politique régionale actuelle tient principalement au fait que les décideurs ont oublié, volontairement ou non, la profondeur de cette relation au profit de concepts nouveaux tels que ceux de la « fin de l’histoire » ou du « choc des civilisations ».

UNE INFLUENCE HISTORIQUE. Les dynamiques actuelles au Moyen-Orient ne peuvent être comprises qu’à travers le prisme de la politique étrangère européenne dont le rôle a été déterminant : Alexandre le Grand qui contribua à la diffusion de l’héritage gréco-romain dans la partie sud de la Méditerranée, Jules César, Richard Cœur de Lion qui nourrit l’histoire des guerres de religion, Napoléon dont la campagne de 1798 influença durablement le contexte culturel, politique et social actuel en Égypte et au Levant, l’accord Sykes-Picot de 1916 et ses corollaires qui façonnèrent des frontières politiques artificielles, tracées sans tenir compte des différentes réalités sociales, la déclaration Balfour de 1917, à l’origine du conflit le plus long de l’histoire moderne de la région, le conflit israélo-palestinien. La réalité géopolitique actuelle de la région est le fruit de ces différents événements et interventions.

Parallèlement, le contexte social, culturel et démographique actuel de l’Europe est imprégné de son interaction avec le monde arabe au long de l’histoire : l’invasion arabe de la péninsule Ibérique en 711 de notre ère, l’essor et la chute de l’Empire ottoman, la seconde bataille d’El-Alamein qui sonna, en 1942, la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’avènement des différents mouvements d’indépendance nationale, la guerre de Suez qui mit fin, en 1956, à l’impérialisme européen tout en le transférant...