Il ne faut pas s’en étonner. depuis l’origine, et au même titre que les épidémies, la guerre est omniprésente dans les sociétés. Au fil des siècles, la paix est l’exception et la guerre la règle, même si, avec l’apparition de l’arme nucléaire, les grandes puissances s’affrontent, à présent, par personnes interposées. La fin de l’histoire n’est ni pour aujourd’hui ni pour demain. aussi, dans cette nouvelle livraison de France Forum, le général Jérôme Pellistrandi écrit très justement : « Les conflits sont une réalité dramatique de l’humanité et il serait illusoire de croire que le progrès effacera la guerre. »
Les conflits en cours restent nombreux et compliqués à résoudre. Ils sont de plus en plus fréquemment civils, impliquant des belligérants non étatiques tels que des groupes terroristes ou indépendantistes. Pour autant, la guerre récente pour le contrôle du Haut-Karabakh sous l’oeil vigilant des Russes, des Turcs et des Iraniens démontre que les guerres entre états pour la conquête d’un territoire conservent aussi leur actualité tragique. Des conflits apparaissent comme gelés, mais il ne tient souvent qu’à un fil que des territoires tels que la Transnistrie ou le Kosovo ne s’embrasent de nouveau. au reste, aucune partie du monde ne semble à l’abri d’un conflit même si le caractère démocratique d’un état apparaît comme un gage plus important de paix. « Un général vraiment grand n’aime pas la guerre », a écrit Confucius, mais la prudence reste de mise. L’attitude de la Chine à l’égard de Taiwan, de Hong Kong et de l’Inde, ou son agressivité sur sa façade maritime interrogent sur le pacifisme de la nouvelle grande puissance mondiale quand ses intérêts supérieurs sont en jeu.
Plusieurs des conflits traités dans ce numéro courent sur plusieurs générations comme le conflit israélo-palestinienou la division de la Corée entre nord et sud. Rendons-nous compte que, pour cette dernière, il n’existe toujours pas de traité de paix, mais un simple armistice ! Les Balkans aussi restent une poudrière tant demeurent les sujets potentiels de conflits : religieux, ethniques, linguistiques ou territoriaux. Et, comme si tout cela ne suffisait pas, de nouvelles raisons de s’affronter et de se tuer sont apparues telles que les changements climatiques. Le stress hydrique serait ainsi le déclencheur du conflit syrien. Les crises climatiques provoquent des migrations de populations pauvres vers des espaces voisins au moins aussi pauvres avec, à la clé, des affrontements armés qui peuvent rapidement remettre en cause la paix régionale.
À la lumière de ces guerres d’un nouveau type et de la peur du retour des conflits anciens entre grands Etats, l’insuffisance des dispositifs de sécurité collective apparaît. L’ancien secrétaire général de l’Onu, Boutros Boutros Ghali, regrettait avec perspicacité qu’à la chute du mur de Berlin les puissances n’aient pas su, comme à Vienne en 1815, à Paris en 1919 ou à San Francisco en 1945, tirer plus de conclusions concrètes en matière de sécurité collective. Et la situation est encore plus redoutable quand le locataire de la Maison Blanche ne croit pas à ces instruments et s’emploie à les dénigrer. Mais l’Union européenne aussi a sa part de responsabilité. Elle a été défaillante en termes d’analyse géostratégique comme de courage politique. Elle ne s’est pas rendu compte, ou n’a pas voulu se rendre compte, de l’évolution qui allait être celle de l’Otan et, en conséquence, de la nécessité de se doter d’une défense européenne autonome capable tout aussi bien d’exister au sein de l’Otan comme d’être en capacité d’agir sans elle.
À l’heure du populisme et de la remise en cause du multilatéralisme, les faiseurs de paix restent malheureusement une denrée rare. Les gestes barrières l’emportent toujours sur les mains tendues et il n’est pas certain qu’un vaccin existe contre ce type de virus.