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Le travail est l’avenir de l’homme de Nicolas Bouzou

parMarc FOUCAULT, président du comité de rédaction de ​France Forum

Articles de la revue France Forum

Pour se faire entendre et comprendre, il faut répéter, répéter et encore répéter, disent tous les communicants.

Nicolas Bouzou a fait sien ce principe en l’appliquant, depuis maintenant plusieurs années, au principe schumpetérien de la destruction créatrice. Dans On entend l’arbre tomber mais pas la forêt pousser, paru en 2013, et maintenant dans Le travail est l’avenir de l’homme, l’économiste défend l’idée que, loin de préparer une société de chômeurs et d’inactifs, la révolution technologique est, au contraire, un facteur de création nette d’emplois.

Nicolas Bouzou répète, mais ne se répète pas, et conjugue avec brio tout au long des 208 pages de son nouvel essai références économiques et exemples concrets des bienfaits technologiques sur l’homme et sur l’emploi. Face aux prophètes de la fin du travail et aux tenants du revenu universel, il défend d’abord l’idée que la théorie du déversement est toujours bien actuelle, c’est-à-dire que la technologie développe l’emploi directement et surtout indirectement (par exemple, les coaches sportifs embauchés par les salariés de la Silicon Valley). L’économiste de Berkeley Enrico Moretti a montré qu’un emploi lié à l’innovation produit 2,5 nouveaux emplois contre 1,6 s’il était produit dans l’industrie.

Le problème, et Nicolas Bouzou en est conscient, est que ces nouveaux métiers sont souvent difficilement perceptibles. Le livre était certainement déjà sous presse, mais l’auteur aurait pu utilement s’inspirer de l’exemple amiénois de Whirlpool pour illustrer sa thèse. L’annonce de la fermeture de l’usine d’Amiens est reçue comme un choc parce que 250 emplois sont concernés, mais aussi parce que tout le monde connaît la marque. On éprouve plus de difficulté à intégrer que, quelques mois plus tard, un chef d’entreprise local reprend le site et tous les emplois pour produire des casiers connectés réfrigérés destinés à la livraison de produits frais. Des casiers connectés, qui en a déjà vu ou utilisé ? Pourtant, il s’agit bien d’un marché terriblement porteur compte tenu des nouvelles habitudes des consommateurs.

À des fins pédagogiques, l’auteur nous entraîne dans ces rues de Paris aux noms évocateurs de tous ces anciens métiers, rue des Charrons devenue rue de la Ferronnerie, rue de la Ganterie devenue rue de la Lingerie. L’idée n’est pas de cultiver la nostalgie – encore que –, mais plutôt de montrer que la période actuelle n’est pas exceptionnelle : le remplacement des métiers est aussi vieux que le monde, inutile donc de s’en inquiéter. La démonstration est probante, mais elle illustre aussi la difficulté de l’exercice d’aujourd’hui et cela l’auteur ne le dit peut-être pas assez. Ces métiers anciens, même si certains devaient mourir et être remplacés par d’autres, restaient pour leur très grande majorité des métiers visibles. Par les individus que cela rassurait sur la marche du monde. Par les enfants qui, dès leur plus jeune âge, voyaient les gestes, sentaient les odeurs, écoutaient les bruits des métiers que, plus tard, ils exerceraient. La tâche est clairement plus rude aujourd’hui. Quels sont ces nouveaux métiers cachés derrière les vitres des tours de La Défense ? Quels sont ces emplois dissimulés derrière les murs des maisons des télétravailleurs ? À quoi ressemblent le community manager, le data officer, l’eco-concepteur et tant d’autres métiers en émergence liés au verdissement, à la santé et aux data ? On voit bien la difficulté pour un prof de collège ou de lycée – métier bien visible et bien connu – de convaincre ou de rassurer un jeune sur son orientation professionnelle, de mettre des visages et des gestes sur ces emplois de demain.

Il reste, et c’est le fil conducteur essentiel de cet essai documenté, alerte et toujours agréable à lire, que le travail au sens de transformation de la nature par l’homme est aussi la meilleure réponse aux menaces – réelles, cette fois – de l’intelligence artificielle pour rester maître de notre société par le travail.


Éditions de l’Observatoire, ​2017 – 17 €

 

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