C’était un temps où les primaires n’existaient pas. Un temps où on pouvait encore durer en politique. On tombait. On se relevait. On repartait au combat. On changeait de portefeuille ministériel, de circonscription, de parti. La politique était aussi violente qu’aujourd’hui, mais, bonne fille, elle savait pardonner et donnait une deuxième, voire une troisième, chance à ses victimes.

Ceux dont Maxime Tandonnet a choisi de faire le portrait ne diront rien à la majorité des Français. Pas de plaque de rue à leur nom, ou alors dans leur ville natale, pas de biographie récente, pas de citation dans les discours de nos contemporains. Au reste, cite-t-on encore des hommes providentiels, vénérés en leur temps par tout un peuple, comme Clemenceau ou Poincaré, de Gaulle ou Jaurès. Oui, mais pour combien de temps encore ? Seuls quelques anciens de Sciences-Po se souviennent du nom des parias évoqués dans cet ouvrage et ils sauront gré à l’auteur d’avoir ravivé leur jeunesse rue Saint-Guillaume au moins autant, sinon plus, que le lointain souvenir de ces hommes, balayés par le temps et l’ingratitude. Tardieu, Moch, Millerand, Caillaux, cela fleure bon la III^e République, les monocles, les hauts-de-forme et les séances de nuit à la Chambre. On aurait aimé de l’auteur plus de souffle dans le récit et le style. Leurs parcours politiques, leurs succès et leurs agonies l’auraient mérité. Qu’ont-ils en commun ces parias ? Peu de chose à vrai dire… Leur intelligence supérieure peut-être. Elle les a souvent amenés à voir ce qu’on ne devait pas voir et à dire ce qu’on ne devait pas dire. Leur orgueil sans doute aussi. Mais en politique, il vaut mieux aimer les autres que soi-même ou, à tout le moins, le laisser paraître. Ce n’était pas leur qualité première. Ce livre les réhabilite quelque peu, mais en fait-il pour autant des exemples ? Ce n’est pas acquis. N’est pas de Gaulle, Blum ou Mendès qui veut.

Éditions Perrin, 2016 – 23,90 €