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Philosophie de l’antisémitisme de Michaël Bar-Zvi

parJérôme BESNARD, essayiste, chargé d’enseignement à l’université Paris Cité

Articles de la revue France Forum

Homme chaleureux et passionné, Mickaël Bar-Zvi est mort le 29 mai 2018 à Paris où il était né le 26 avril 1950 dans une famille juive ashkénaze d’origine polonaise.

Elève des métaphysiciens Pierre Boutang et Emmanuel Lévinas, il soutient un doctorat en Sorbonne sur « L’idée de nation dans la pensée juive à l’époque moderne ». Enseignant en Israël, très engagé dans le mouvement sioniste et au sein du judaïsme libéral, il laisse une oeuvre historique et philosophique de premier plan. Il faut saluer le travail des éditions Les Provinciales et de leur directeur, Olivier Véron, pour rendre accessible cette oeuvre si importante pour la compréhension de la place du judaïsme contemporain en France et dans l’espace européen. Ainsi, Philosophie de l’antisémitisme, originellement publiée, en 1985, par les Presses universitaires de France sous le nom de naissance de l’auteur, Michel Herzlikowicz, et dans une version parfois mal retranscrite, méritait un toilettage rendu possible par l’existence du manuscrit originel. Elle méritait également une actualisation après un  tiers de siècle. C’est Pierre-André Taguieff qui s’en est chargé avec son sérieux habituel. Les mêmes éditions publient également la méditation de Bar-Zvi sur sa propre mort qui s’approchait impitoyablement, sous le titre La pensée anthume.

Cette philosophie de l’antisémitisme est bien différente d’une histoire du même mal, telle qu’elle a pu être tracée par Léon Poliakov, par exemple : « Peinture de moeurs bien plus que recherche anthropologique ou bilan de la civilisation, cette philosophie de l’antisémitisme veut décrire les petits riens, les mauvais goûts, les parties honteuses. » Des premiers conciles chrétiens à l’anticléricalisme de Voltaire, l’Occident a été une machine à produire de l’antisémitisme au quotidien au travers de clichés récurrents. Loin de demeurer archaïque, cette persécution a culminé dans la modernité totalitaire que constitue le nazisme.

Ce livre à deux voix marque la prise de conscience progressive que le nouvel antisémitisme vient, et ce n’est pas une nouveauté dans l’Histoire, de la gauche anticapitaliste. Pour Michaël Bar-Zvi, la promesse de survie du peuple juif s’incarne désormais dans une nation enracinée dans sa terre d’origine : « L’état d’Israël ne constitue pas seulement l’unique forteresse de l’honneur juif, mais le nouvel événement de l’alliance. » La seule réponse possible à la furie antisémite passe par la description d’une « ontologie de la persécution », ici magistralement retracée dans ses circonvolutions par Bar-Zvi, et par l’assurance de la perpétuation de l’identité juive, c’est-à-dire par la reconnaissance du droit imprescriptible à la souveraineté d’Israël parmi les nations.


Les Provinciales, 2019 – 22 €
A lire aussi : Michaël Bar-Zvi, La pensée anthume, Les Provinciales, 2019 – 14 €