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Une Conférence mise en quarantaine ?

parFrançois LAFOND, conseiller spécial du vice Premier ministre en charge des Affaires européennes de la République de Macédoine du Nord

Articles de la revue France Forum

« Il faudra innover » pour doter l’Union européenne « de frontières, d’institutions adaptées, d’un agenda de puissance et un sentiment d’appartenance ».

Le 8 septembre 2020, un décret du Premier ministre français publié au Journal officiel établissait en quatre articles le secrétariat général de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (janvier-juillet 2022). Cette structure coordonnera, avec le secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) et en étroite liaison avec la Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne à Bruxelles, l’ensemble des initiatives qui seront prises (événements, réunions, manifestations) durant ce semestre de présidence française ; une période clé pour le pays en charge puisqu’il peut hiérarchiser une partie de l’agenda et impulser un rythme au sein de l’Union européenne (UE).

Avec un diplomate à sa tête, ce secrétariat aurait dû également utiliser, à un moment ou à un autre, les conclusions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe que le président de la République française a promue auprès de ses partenaires européens depuis des mois. L’ambition, quelque peu démesurée, était de favoriser, pendant deux ans, un méga-débat citoyen, impliquant les différentes institutions de l’UE, au premier chef le Parlement européen. Cet exercice devait se conclure durant la campagne présidentielle de mai 2022, de manière à alimenter avantageusement le président candidat en propositions et réformes concordées. Une tactique à plusieurs bandes, bien anticipée sur le papier. Le nouveau secrétaire d’État aux affaires européennes, Clément Beaune, considère1 « un forum européen adéquat, lieu et moment d’orientation politique réunis » car « il faudra innover » pour doter l’Union européenne « de frontières, d’institutions adaptées, d’un agenda de puissance et un sentiment d’appartenance ».

C’était sans avoir « algorithmé » l’apparition du virus. Plus encore, ce vœu français a suscité des réponses nonchalantes et polies de la part des principaux partenaires de la France, comme de la Commission européenne. Pardon ? Après la série de conférences citoyennes sur l’Europe en 2018, il faudrait remettre sur la table un exercice collectif de réflexion au sein de l’Union européenne qui aurait pour objet de formuler de nouvelles propositions de réforme des institutions, des processus décisionnels, voire des traités de l’Union ? Vraiment ? Faut-il phosphorer sur l’amélioration du fonctionnement de l’Union alors que l’on peine à se mettre d’accord sur le prochain budget pluriannuel (2021-2027), sur le fonds de relance, sur les politiques migratoires et d’accueil des réfugiés, sur la stabilisation des frontières ? Est-ce bien raisonnable de s’exposer à l’impuissance collective ?

Dans son discours sur l’état de l’Union, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait certes mentionné ce projet démocratique, une fois, par politesse, pour que cette Conférence discute de nouvelles compétences que l’Union mériterait d’obtenir, pour tirer les leçons de la crise sanitaire. Le Parlement européen, qui aurait joué un rôle central, imaginait ainsi parfaire sa fonction tribunitienne qu’il affectionne tant. Il estimait, dans une résolution de janvier 2020, que « la parole des citoyens devait être au cœur des débats sur la manière de relever les nouveaux défis internes et externes ». Même un communiqué du Conseil de l’Union (24 juin) énonce la logique et les principes de bon fonctionnement de la Conférence, placée sous l’autorité d’un unique et indépendant président, « éminente personnalité européenne » sélectionnée par les trois institutions. Hélas, il semblerait que les trois institutions aient bien du mal à se mettre d’accord sur le candidat idéal. Un observateur malicieux en tirerait certainement une première conclusion, guère encourageante pour la suite. La logique de l’exercice élyséen était pourtant d’une rationalité bien calculée !

 

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1.  « L’Europe, par-delà le Covid », Politique étrangère, n° 3, 2020, p. 20.

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