Une idée pour la formation professionnelle
Articles de la revue France Forum
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Depuis quelques années, grâce aux progrès de l’économétrie notamment, on comprend mieux le fonctionnement du marché du travail. C’est un marché mouvant par nature. Ainsi, en France, quelque 10 000 emplois sont, chaque jour, détruits et autant sont créés. Les économistes s’accordent désormais sur un certain nombre de points : les allègements de charges ont un impact positif sur l’emploi ; un salaire minimum trop élevé constitue un obstacle à l’emploi (il est intéressant de se pencher sur l’exemple des États-Unis) ; un chômeur qui ne cherche pas activement un emploi doit être sanctionné ; les allocations de chômage doivent être dégressives ; et surtout, protéger l’emploi ne fait pas baisser le chômage. Les lois « protectrices » ne le sont, en réalité, pas : elles ne font qu’empêcher le mouvement naturel du marché et freinent les créations d’emploi en même temps qu’elles en freinent les destructions.
Pour permettre à l’économie de s’adapter à un monde qui évolue et créer de l’emploi, il faut libérer les entreprises. Mais comment garantir que les salariés licenciés s’adaptent, eux aussi, et se reconvertissent dans un métier d’avenir ? La réponse réside dans la formation. Dans une économie en mutation, la formation quel que soit l’âge ou le statut n’est plus un simple droit, c’est une nécessité. Les effets de la formation s’étendent bien au-delà de la seule sphère professionnelle. L’investissement dans le capital humain est le premier levier de compétitivité dans une économie de plus en plus fondée sur la connaissance. C’est aussi un enjeu de soft power, à l’heure où la diplomatie traditionnelle voit son champ d’action se réduire sous l’effet de la mondialisation et des coupes budgétaires. Pour les territoires, une politique de formation bien pilotée est un formidable levier de développement local : elle permet la formation de clusters et le développement de filières d’activité qui engagent un cercle vertueux d’attractivité et d’innovation. Enfin, la formation est un enjeu de justice sociale. Elle permet une égalité des chances effective et réduit les inégalités en favorisant des trajectoires professionnelles ascendantes.
Or, le système de formation continue français est mal adapté pour faire face à la vague d’« hyper-destruction créatrice » qui transforme l’économie. Il souffre essentiellement de trois maux. Premièrement, les adultes ne sont pas tous égaux face à la formation. Dans la configuration actuelle, ce sont les plus diplômés, les mieux insérés dans l’emploi et les salariés des grandes entreprises qui en bénéficient le plus. Deuxièmement, l’hyper-complexité administrative et un pilotage centré sur les dispositifs au détriment des bénéficiaires et de leurs réels besoins entravent l’autonomie individuelle en matière de formation. Troisièmement, le marché de la formation est préempté par des dispositifs administratifs qui freinent l’innovation et empêchent les organismes d’adapter leur offre aux évolutions de la demande et des technologies.
La loi du 5 mars 2014 a opéré une avancée significative, mais l’importance croissante des enjeux appelle une réforme plus ambitieuse : pourquoi, par exemple, ne pas donner beaucoup plus d’importance au compte personnel formation ? C’est un bon dispositif, mais sous-utilisé. Faisons sauter son plafond, permettons à tout le monde de l’abonder et créons un « compte jeune formation » pour faire décoller l’alternance.