Brexit : l'urgence d'une renaissance européenne
Articles de la revue France Forum
Quid de la construction européenne ?
Dans quelques semaines, se tiendra au Royaume-Uni un référendum décisif pour l’avenir de notre continent. Le paradoxe est que, quelle que soit l’issue du référendum, les citoyens européens seront les grands perdants de cette consultation. La tentation populiste, le repli nationaliste, les tensions aux frontières de l’Europe, l’accentuation de la crise migratoire, une nouvelle crise financière mondiale ne font qu’accroître les conséquences négatives qui suivront ce référendum.
Avec le oui, le Royaume-Uni restera au sein de l’UE, mais inscrira dans le marbre son statut dérogatoire. Dans le contexte populiste actuel, de nombreux États auront à leur tour la tentation de demander des exceptions. Leur multiplication remettra en cause la solidarité, la liberté de circulation, l’égalité de droits et de devoirs des citoyens et minera l’idée d’un intérêt général européen supérieur et d’une union toujours plus étroite.
Quant à l’eurozone, la requête britannique visant à établir un droit de regard sur l’avenir de la zone des pays n’ayant pas adopté la monnaie unique pourrait retarder les réformes nécessaires à un fonctionnement efficace et ralentir la capacité de décision de la zone euro en cas d’une nouvelle crise financière très probable. Dès lors, l’esprit européen et le soutien populaire de nos concitoyens au projet commun ne pourront que décliner.
Avec le non, l’impact de la sortie du Royaume-Uni sera encore plus grave et rapide que dans le cas de son maintien au sein de l’union. La Hongrie, la Pologne les Pays-Bas, le Danemark auront alors la tentation d’organiser des référendums similaires. Les spéculations sur la survie de l’Union se multiplieront ainsi que le risque de sa désintégration et de sa marginalisation dans un monde qui n’est plus dominé par l’Occident depuis la crise financière de 2007.
Les conséquences négatives pour la Grande-Bretagne seront multiples : un nouveau référendum en Écosse, la fin de sa relation spéciale avec Washington, la perte du statut de Londres comme capitale financière de l’Union européenne au profit de Francfort. À l’échelle mondiale, dans un environnement extrêmement incertain, la capacité de la planète à résoudre des conflits géopolitiques qui requièrent l’engagement financier de l’UE et un minimum d’unité politique entre les pays membres sera réduite.
La dynamique en cours présente ainsi le risque de nous amener au bord de l’abysse. Comment transformer ces risques en chances ? Voilà la question à laquelle devraient s’atteler les institutions européennes. Or, personne ne veut évoquer les mesures à mettre en oeuvre pour limiter la casse. Tout se passe comme si le silence servait de palliatif. Pourtant, la raison et le courage voudraient que les Européens travaillent à un projet de renaissance du projet commun.
L’initiation dès à présent d’un plan de « renaissance » de l’Europe qui pourrait s’articuler autour de quelques projets emblématiques pour les citoyens et d’un renforcement de la zone euro aurait le double intérêt de désamorcer les risques post-référendaires de désintégration de l’Union, mais aussi de rendre plus « sexy » l’Europe pour les Britanniques. Au Royaume-Uni, l’un des arguments du Brexit est l’inutilité d’appartenir à une Union européenne sans ambition ni puissance. Il est urgent que tous ceux qui croient à la nécessité de faire de l’Europe une grande puissance démocratique dans la mondialisation, capable de porter et de défendre les valeurs et les intérêts européens dans un monde multipolaire, se mobilisent. Il serait également opportun que la France, si elle a une ambition pour l’Europe, prenne l’initiative d’une telle mobilisation.