La représentation du sujet noir dans l'historiographie colombienne de Angélica Montes Montoya
Articles de la revue France Forum
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Étant venue presque à bout des maux qui la coupait largement du reste du monde – la guérilla et la drogue –, la Colombie est la puissance montante d’amérique latine. C’est donc le moment de lire et de relire les travaux de plusieurs de nos jeunes chercheurs, historiens, juristes, philosophes investis sur ce pays depuis plusieurs années.
Angélica Montes Montoya est l’une des pensées les plus innovantes de cette génération et le livre qu’elle vient de consacrer à la représentation du sujet noir dans l’historiographie colombienne en est un témoignage tout à fait édifiant.
La philosophe pose la question méthodologique suivante : comment comprendre une réalité sociale présente à travers l’examen scrupuleux du passé et de la manière dont il est relaté ? Le choix de Carthagène des Indes au moment de la période de l’indépendance comme champ d’application de cette méthode n’est pas anodin, bien sûr. C’est ici et à cet instant que se forment les marqueurs des imaginaires raciaux, politiques et culturels de la nation colombienne. Le 11 novembre 1811, la cité de Carthagène, épicentre de la traite des Noirs, se déclare indépendante et se dote d’une constitution dans laquelle le titre de citoyen est octroyé à tous les habitants libres de la province. Mais ce n’est qu’en 1851 que nous assisterons à l’abolition légale de l’esclavage, décision majeure, mais qui ne résoudra pas la question de l’intégration des Noirs à la nation colombienne.
La notion de citoyen devient, en définitive, bien commode pour éviter de traiter celle de l’identité noire, au moins jusqu’à la fin du XXe siècle, et ses vagues de transformations institutionnelles et démocratiques qui vont, enfin, donner statut et identité à cette population. « L’importance du multiculturalisme et, de ce fait, les minorités ethniques et culturelles, sont alors reconnues comme une richesse des pays latino-américains », note l’auteur.
À l’heure où notre socle républicain semble remis en cause de toute part, il est intéressant de porter le regard sur ces politiques « de différence » menées en Amérique latine et sur leurs origines. Ce n’est pas le moindre des mérites de cet ouvrage que de nous amener à confronter nos mémoires finalement pas si éloignées et nos pratiques, elles, plus orthogonales. Mais pour combien de temps ?
L’Harmattan, 2015 – 15,50 €