La patrie du bien manger dans le monde ?
Articles de la revue France Forum
La grande bataille du soft power culinaire.
Jamais on n’aura autant mesuré l’originalité des cultures culinaires européennes depuis que l’Asie monte dans les palmarès économique et culturel. Il est écrit que le XXe siècle aura été celui des États-Unis et que le XXIe sera celui de l’Asie, une Asie dominée par les cultures chinoises. En additionnant le chiffre d’affaires de toutes les entreprises intégrées ou familiales servant des nourritures asiatiques, on serait surpris de constater qu’elles progressent quasiment partout. L’Europe est fascinée par certains des plats asiatiques que les modes de vie urbains rendent commodes (sushis, nems…). Elle résiste, certes, aux apports extérieurs en reformulant, hors industrie, ce qui relève des productions locales, des terroirs, des appellations d’origine protégées (AOP) mises en place par l’Union européenne à partir des modèles français et italien.
La géographie donne un dualisme très fort entre l’Europe du Nord et les provinces du Sud : une appétence pour tout ce qui est formaté par des firmes industrielles au Nord et un développement des circuits courts sur fond d’attachement à des nourritures d’origine paysanne au Sud, la France étant à la charnière de ces deux mondes.
En Europe du Nord, l’industrie agroalimentaire, née de la chimie allemande avec Justus Liebig, met au point un procédé de fabrication d’extrait de viande dans les années 1860. Avec les progrès de la conserverie que l’on doit à Nicolas Appert à la fin du XVIIIe siècle, l’invention de la chaîne du froid plus tard, l’intégration d’activités comme l’abattage devenu industriel à Chicago, la production massive de grains dans le Middle West américain (General Mills) à la même époque, tout est en place pour une alimentation prise en charge par des sociétés capitalistes et commerciales, parfois financières, en Europe et dans son extension nord-américaine. Les femmes...