Risque : entre précaution et innovation

France Forum, n° 64, décembre 2016

Revue France Forum

Allez risquons-nous. Pourquoi ne pas demander au futur président de la République de faire du risque un principe constitutionnel ? Après tout, en 2004, Jacques Chirac avait bien intégré la Charte de l’environnement et le principe de précaution dans notre loi fondamentale. Affirmer, aujourd’hui, la vertu du risque en lui donnant une valeur constitutionnelle ne serait-ce pas un juste retour des choses ?

Et puis nos candidats à la magistrature suprême sauraient au moins de quoi ils parlent, François Fillon en tête. Voilà un homme politique qui a pris le risque de se présenter à la primaire de la droite et du centre alors que pas un sondeur n’aurait misé un euro sur lui ; lui qui, en plus, ne promet que du sang et des larmes aux Français. Et Emmanuel Macron, voici un autre intrépide ! Il prend le risque de se placer sur la ligne de départ alors qu’il n’a jamais été élu et qu’il y a encore deux ans personne n’avait entendu parler de lui. François Hollande n’a pas eu cette témérité. Beaucoup diront que la lucidité l’a emporté. Il courait le risque, non seulement de perdre l’élection présidentielle en se présentant de nouveau, mais, plus humiliant, d’échouer dès la primaire de son camp. Ce n’était plus un risque, mais un danger. Marine Le Pen, elle, ne risque pas grand-chose, sinon les sarcasmes de son père et de sa nièce en cas de non-qualification pour le second tour ; mais les Français, eux, risquent beaucoup avec elle et le savent.

Oui, les politiques sont des joueurs invétérés et pas seulement en France. David Cameron, Matteo Renzi et même Donald Trump sont de cette veine, transformant référendums, primaires et élections présidentielles en vraies parties de poker.

Les politiques aiment le risque et intègrent l’aléa dans la gestion de leur parcours – les Français beaucoup moins. C’est ce que Jacques Chirac, en fin connaisseur de ses concitoyens, avait bien compris en introduisant le principe de précaution au sommet de notre hiérarchie des normes, juste à côté de puissants et illustres voisins tels que le droit de propriété, la continuité du service public ou le respect de la dignité humaine. S’agissant de l’avenir de notre planète, l’initiative était habile et le sujet sérieux, mais était-ce la meilleure façon, pour la France et les Français, d’entrer dans ce nouveau siècle ? Nous étions en 2004. La même année, au pays du risque, les États-Unis, naissait Facebook, une société qui pèse, aujourd’hui, plus de 50 milliards de dollars. Curieuse similitude de date, curieuse opposition de culture. Il serait peutêtre temps de dire que l’innovation ne va pas sans un minimum de culture du risque. Culture du risque et de l’échec. Car si, en France, l’échec est une faute le plus souvent impardonnable qui fait de vous un quasi pestiféré à vie, il est, dans d’autres pays, et surtout aux États-Unis, une simple conséquence du risque, une étape presque obligée dans les success stories, une ligne qu’on ne dissimule pas dans son CV, au contraire.

Alors, réhabiliter le risque pour retrouver la croissance, quel candidat prendra le risque de le proposer ? 

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