L’Asie centrale sort de l’ombre ou, à tout le moins, se rêve un destin nouveau. Elle reste, pourtant, l’une des régions du monde les plus méconnues. Comme le dit joliment Alain Cariou, elle est une sorte d’« angle mort » géographique au coeur du continent. Le premier mérite de l’auteur est donc de remédier très largement à cette ignorance en abordant successivement les nombreuses dimensions identitaires, environnementales et démographiques de cet immense espace (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan, auxquels il convie opportunément l’Ouïghour du xinjiang chinois). Au fil des pages, nous découvrons ou redécouvrons que l’Asie centrale est bien autre chose que ce grenier à hydrocarbures qui suscite la convoitise des puissances voisines (Chine et Russie) et, plus loin, de l’union européenne et même des états-unis. Elle est autre chose également que le seul produit de notre imaginaire : l’immensité steppique, Samarcande, Boukhara, les routes de la Soie. Alain Cariou en montre tous les atouts actuels, ne se limitant pas seulement à ses ressources naturelles. Il en montre aussi les handicaps, en particulier sa difficulté à relayer la cohérence géographique par une cohérence politique. Cette coopération régionale sera pourtant indispensable. Espace-frontière de l’ex-URSS, l’Asie centrale est devenue espace-charnière de la mondialisation. Ses élites politiques sauront-elles comprendre ce que cette situation géostratégique implique en termes de gouvernance ? Sauront-elles construire autre chose qu’une économie de rente, cette « mondialisation par le bas », qui a déjà détruit socialement et politiquement tant de pays de par le monde ? Rien n’est moins sûr, d’autant que ces puissants voisins n’y ont pas vraiment intérêt. 

Armand Colin, 2015 – 32 €