De la figure emblématique de Poséidon, dieu des mers et des océans, au temps des grandes découvertes de Christophe Colomb, de Jacques Cartier ou du capitaine Cook, nos mers et nos océans ont stimulé notre imagination et offert à nos civilisations des ressources alors inépuisables et des espaces invitant les plus téméraires d’entre nous aux plus belles découvertes.
L’incroyable développement des activités humaines, déclenché par les révolutions industrielles successives et accéléré par la mondialisation économique, a bouleversé notre rapport à ces espaces bleus. Autrefois traversés par quelques expéditions commerciales, ils sont désormais sillonnés de toutes parts, à un rythme effréné, par les porte-conteneurs et autres navires de fret. D’une surface permettant la communication entre les terres, les océans sont devenus un vecteur d’internationalisation et de globalisation.
La mer s’affirme comme l’espace où s’étendent actuellement la puissance et l’influence des États. La puissance stratégique et militaire des grands pays est de plus en plus « maritimisée ». Aux dimensions plus classiques de dissuasion, de contrôle, de projection, de présence ou de sécurité près des côtes, s’ajoutent les nouveaux modes d’action contre des menaces asymétriques, des acteurs illégaux et face aux migrations humaines généralisées.
En parallèle, les États affirment leur souveraineté, s’approprient des parties toujours plus importantes des océans et se trouvent souvent en compétition, de l’Arctique aux mers de Chine.
Certains espaces encore vierges de toute présence humaine seront ainsi, d’ici quelques années, complètement transformés. Parmi ceux-ci, nous pensons bien évidemment à l’Arctique, avec le passage du Grand Nord. Mais cet exemple n’est que la partie émergée de l’iceberg. L’érosion des côtes, la montée des eaux et la disparition de nombre d’îles dans le Pacifique, ainsi que l’acidification, l’eutrophisation et la perturbation du milieu marin dues à de nouvelles activités humaines, sont autant de facteurs de transformation. D’autres tendances vont aussi s’intensifier en surface, telles que l’immigration clandestine et bientôt les réfugiés climatiques, rappelant ainsi le lien intrinsèque entre la terre et la mer, entre l’espace de contrôle et l’espace de liberté.
Ces phénomènes sont présents et réels et le constat est alarmant : les menaces se multiplient, les activités se développent, se diversifient, et nos mers et nos océans se meurent. Nos plages et notre sable sont menacés de disparition, nos ressources halieutiques diminuent dramatiquement, les mammifères et les poissons ingurgitent du plastique et agonisent. Malgré tout cela, ces espaces sont le plus souvent oubliés de la plupart des agendas politiques nationaux et internationaux, faute d’intérêt, faute de mode aussi, malheureusement.
Cette absence de conscience collective dans la plupart des agendas politiques s’explique en partie par la tension intrinsèque entre environnement et développement, tension qui est en réalité un héritage très lourd de notre développement industriel du XXe siècle. L’enjeu du XXIe siècle est de bâtir des stratégies alliant prospérité économique et protection des milieux marins. Un prochain test, à court terme, sera la COP21 de Paris à la fin de l’année 2015 : quels accords pour les océans ?
Nous avons rassemblé, dans ce numéro, un panel d’auteurs, tout aussi passionnés que nous le sommes, offrant une analyse engagée, moderne, internationale et profondément ancrée dans une vision intégrée et, avant tout, pluridisciplinaire. Nous souhaitons que ce numéro jette la lumière sur le potentiel incontournable des enjeux maritimes et marins et encourage le développement de politiques nationales, régionales et internationales du XXIe siècle, à la hauteur de ces enjeux.
Virginie Tassin
docteur en droit (Melbourne & Sorbonne)
expert en droit de la mer
Jean Guellec
vice-président de Téthys
officier de réserve de la Marine nationale