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Quelle nouvelle politique de voisinage pour l'Union européenne ?

parFrançois LAFOND, conseiller spécial du vice Premier ministre en charge des Affaires européennes de la République de Macédoine du Nord

Articles de la revue France Forum

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La Commission européenne et les services de la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ont lancé, au début du mois de mars 2015, une procédure de consultation large pour réfléchir à la nouvelle politique de voisinage que l’Union devrait adopter pour les prochaines années. Le début de la mise en place de cette politique datait de 2003, avec une révision partielle en 2011, à la suite des « printemps arabes ». Le nouveau cadre, une fois défini, devra cependant s’emboîter de façon cohérente dans le document de la stratégie européenne de sécurité que le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) prépare également, sous la houlette de son secrétaire général, Alain Le Roy.

L’Union européenne n’est pas seulement confrontée à des questions internes. Elle doit également faire front à son environnement proche, toujours plus incertain, menaçant et source de troubles évidents. Paradoxalement, notre voisinage est bien plus instable et imprévisible que durant la guerre froide ou du temps des régimes autocratiques au sud de nos côtes maritimes.

La politique de voisinage comprend deux volets dont la politique méditerranéenne. Celle-ci a bénéficié, en 2008, d’une relance bienvenue, mais velléitaire, avec l’initiative de l’Union pour la Méditerranée.

Difficile de nier l’aspect positif du « big bang » de l’élargissement de 2004, encore dénoncé par certains, mais qui a réussi à stabiliser de façon pacifique des pays et à les arrimer au projet européen. Certes, les effets collatéraux tels qu’une plus grande hétérogénéité de l’Union, un alourdissement du fonctionnement des institutions et une fatigue des opinions publiques pour continuer le processus d’élargissement ne doivent pas être passés sous silence. Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors de son discours du 15 juillet 2014, a été explicite quant à la nécessité d’une pause, même si les discussions engagées doivent se poursuivre et les efforts de coopération, d’association et de partenariat, se resserrer. C’est bien l’enjeu de cette nouvelle politique européenne de voisinage.

Celle-ci, version 2.0, cherchera à corriger ce qui était apparu comme des défauts originaires, et notamment l’impression de proposer aux seize États concernés (six du partenariat oriental et dix méditerranéens) une sorte de menu unique alors que leurs situations, leurs intérêts et leurs demandes étaient loin d’être similaires. Certains souhaitent devenir membres de l’Union européenne à terme (ukraine, Moldavie, Géorgie) alors que d’autres font partie d’ensembles régionaux, concurrentiels. Ainsi, la réflexion en cours de la Commission européenne s’articule autour de quatre domaines prioritaires, comme pour proposer déjà de dépasser les limites observées : « la différenciation » de la relation proposée à chacun des pays et des instruments spécifiques ; « l’appropriation » que devront ensuite effectuer les États membres de l’union et nos voisins des accords signés pour en assurer une parfaite mise en oeuvre ; « l’orientation » des plans d’action pour recentrer les priorités et éviter la dispersion ; une plus grande « flexibilité » dans les accords d’association, de partenariat et de coopération au-delà des plans d’action et de leurs priorités établies annuellement.

Le montant alloué pour la période 2014-2020 est de 15 milliards d’euros, mais n’intègre pas forcément toutes les actions qui seront effectivement entreprises dans notre proche voisinage ou autres garanties qui pourront lui être offertes. Mais le « pouvoir transformatif » de l’Union européenne, qui a pleinement joué à chaque élargissement, risque de ne plus avoir la même force si deux questions existentielles de l’Union européenne continuent de demeurer sans réponse ou sujets de division : quels sont les pays destinés à devenir membres à part entière de l’union européenne et à quelle échéance ? Dès lors, puisque nos frontières seraient enfin connues, il serait plus pertinent de proposer une politique de voisinage bien plus robuste et substantielle, préfigurant ainsi une nouvelle « constellation de l’Europe », toujours plus différenciée et plastique, mais encore à imaginer.

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