Les Raisons d'y croire de Maud Fontenoy
Articles de la revue France Forum
Les Éditions Plon nous ont autorisés à reproduire des passages du dernier ouvrage de Maud Fontenoy.
On connaît mieux la surface de la lune que les profondeurs des océans. Trop longtemps, le grand large a été considéré comme un milieu inerte, un corps inutile sous une surface agitée. Le vent poussait les voiles des courageux bateaux, un point c’était tout. On n’imaginait pas l’océan profond. Il y a pourtant tellement à dire, à écrire sur ce fascinant poumon de l’humanité. énergies, emplois, métaux précieux, médicaments, oxygène, nourriture, et tant d’autres trésors tout autant fascinants qu’indispensables à notre survie. La mer ne fait pas que relier les hommes entre eux, comme une ligne de vie qui sécurise sur un navire. Elle nous offre d’infinies ressources. Et si, dans les profondeurs mystérieuses de ces vingt mille lieues sous les mers, reposaient de nombreuses réponses aux questions de nos sociétés ? Nous sommes en quête d’énergie : l’océan en regorge. Les fonds sous-marins constituent un potentiel fabuleux en ressources minérales (nodules polymétalliques, encroûtements cobaltifères, sulfures hydrothermaux…). Les océans pourraient ainsi devenir l’une des premières réserves mondiales d’énergies renouvelables. Selon les chercheurs de l’IFREMER (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer), leur « potentiel » de production annuelle dépasserait largement la consommation de l’ensemble de l’humanité. Les têtes de beaucoup d’industriels en tournent. Chaque pays ayant accès à un littoral entame des démarches pour obtenir l’extension de son plateau continental. Des emplois ? Les activités navales directes, hors tourisme littoral, donnent actuellement du travail à plus de 300 000 personnes en France, et l’économie maritime est appelée encore à se développer compte tenu de son potentiel. Dans le monde, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), c’est plus de 200 millions de personnes qui ont des revenus qui dépendent de façon directe ou indirecte de l’exploitation et de la commercialisation des produits de la mer. Le poids du secteur maritime représente un chiffre d’affaires annuel de 1 500 milliards d’euros par an dans le monde, dont plus de 69 milliards (hors tourisme et activités portuaires) en France. L’Union européenne, en tant que première puissance économique maritime mondiale (40 % de la flotte mondiale est contrôlée par des armateurs européens), a donc un rôle important à jouer pour que ces routes fréquentées par une majorité des navires du monde restent propres. En effet, du fait de son faible coût, d’une forte productivité et des volumes transportés, le commerce maritime mondial a été multiplié par plus de deux en volume des années 1990 à nos jours. On estime que de 8 milliards de tonnes aujourd’hui, on basculera au déplacement de plus du double d’ici 2020/2025. Nous avons besoin de toutes ces industries liées au grand bleu, de la pêche au tourisme, de la pose des câbles sous-marins au transport maritime. On doit rassembler toutes celles et ceux qui veulent créer des synergies et accorder des licences pour utiliser, à bon escient, l’espace océan. La France est actuellement le seul pays du monde à avoir des structures dans toutes les phases d’exploitation du milieu marin. L’urgence est donc à la mobilisation, tant politique que citoyenne, pour qu’une nouvelle façon de prélever les ressources soit mise en place. La mer est stupéfiante. Elle est à la fois palpable et fuyante. Elle monte et descend, obéissante, aliénée à l’attraction de la lune. Nous avons tant à apprendre d’elle. Selon les scientifiques, l’océan reçoit du soleil une quantité d’énergie égale à mille fois nos besoins mondiaux. un trésor de ressources se cache encore dans cet or bleu. Nous devons impérativement nous donner les moyens d’aller explorer, puis exploiter durablement ses richesses. L’urgence à préserver tous ces milieux naturels se mesure à hauteur de ce qu’ils peuvent nous apporter. La France a la chance d’être présente sur les différents océans du globe grâce aux territoires d’outre-mer. Or, des pans entiers de l’espace maritime français sont encore mal connus et sous-estimés économiquement. Dans un contexte international pourtant marqué par la concurrence des pays pour l’accès aux richesses des sols océaniques, de nombreuses zones économiques exclusives (ZEE) ne sont pas encore délimitées physiquement et juridiquement. Pour ne citer qu’un exemple bien connu dans le Pacifique : si les délimitations de Wallis et Futuna et de la Polynésie française sont acceptées par tous, ce n’est pas le cas pour l’île de Clipperton où la souveraineté de la France est contestée. La bataille avec le Mexique se poursuit et les accords à l’amiable n’ont pas totalement clos le dossier. une part significative de la croissance de la France dépendra pourtant dans les prochaines décennies de l’exploitation raisonnée des ressources de ces espaces, véritables réservoirs d’opportunités et d’emplois. À l’heure actuelle, établir une cartographie exhaustive de la richesse de ces territoires est primordial. En mer, je me sens libre. En quête de cette fameuse liberté que siècle après siècle nous n’avons de cesse de rechercher. Être libéré du temps qui passe. Parvenir à s’en défaire comme d’un bout de sparadrap trop collant. être en si parfait accord avec soi, en telle harmonie avec la nature, que vous en oubliez le temps qui passe. Et si nous protégions le grand bleu pour toutes les émotions qu’il suscite en nous, pour sa beauté ? Notre environnement naturel est de notre patrimoine autant que la tour Eiffel, La Joconde ou les oeuvres complètes de Victor Hugo. Oui, la mer, ce sont ces grands espaces devenus des territoires de la mondialisation, c’est un milieu pourvoyeur de richesses, d’échanges et de communication. Oui, c’est par elle que nous transportons l’essentiel de ce que nous produisons, transformons, consommons, vendons, matières premières, énergie ou produits manufacturés. C’est cette démesure qui m’a toujours fascinée. Winston Churchill écrivait : « En Angleterre, quelles que fussent nos faiblesses, nous avions un sens très aigu des choses de la mer. Nous l’avions dans le sang depuis des siècles et les traditions maritimes inspirent non seulement nos marins mais toute notre race. » Des marins qui n’avaient pas froid aux yeux. Des bateaux à l’époque qui prenaient l’eau, un simple sextant et des cartes approximatives pour se diriger, une timonerie ouverte au quart-vent où l’on ne pouvait jamais lâcher la barre, de la nourriture rudimentaire et bien souvent avariée, des vêtements en coton qui ne séchaient jamais. Et pourtant, ces guerriers-là y retournaient. Des caractères bien trempés qui partaient en mer comme on s’abandonne, aveugle de trop aimer. Et si tous les services que nous rend la mer étaient à la hauteur de cette passion qui, depuis des centaines d’années, fait prendre le large à des générations d’audacieux ?
Les Raisons d'y croire - Plon, 2015 – 16,50 €