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Conclusion du colloque

parMichel ROCARD, Ancien Premier ministre, ambassadeur chargé des négociations internationales pour les pôles Arctique et Antarctique

Articles de la revue France Forum

L'Antarctique est le modèle de gouvernance à suivre. Le hic est que l'Arctique n'est pas l'Antarctique.

« Quel avenir pour l’Arctique ? » L’avenir de l’Arctique repose sur deux variables. La première est de savoir si l’on va réussir ou non à ralentir le réchauffement climatique et l’effet de serre. La seconde est la qualité de la coopération internationale pour ce faire. Sur la première variable, nous ne pouvons rien et elle n’est pas dans mes missions. Elle est de la responsabilité des pays développés et cela se passe très mal. J’ai, d’ailleurs, protesté vivement quand le président de la République a eu l’étrange idée d’inviter à Paris la COP21. Je suis sur ce sujet dramatiquement pessimiste, au point que je trouverais bien imprudent d’y mêler l’Arctique. Je n’oserais pas, je ne voudrais pas aggraver les risques d’un échec de cette conférence. Je serais déjà bien content si nous sauvions un petit quelque chose de la COP21.

Je ne m’occuperai donc pas, ici, du réchauffement climatique. La question posée appelle à essayer de trouver des solutions pour que l’Arctique passe du statut de zone multimillénaire inaccessible, inutile, infréquentable et totalement inconnue à celui de zone normale de l’activité humaine où à peu près tout est possible, du transport à la pêche et à la recherche scientifique. L’Arctique vit une mutation énorme, tellement ample qu’il faudrait la gérer en protégeant spécifiquement l’environnement local, plus menacé qu’ailleurs. La mission est là, et là seulement.

Permettez-moi deux remarques avant d’aborder le fond du sujet.

Première remarque. Il vaut mieux rappeler les évidences. Il existe deux pôles. Le dalaï-lama voudrait ajouter comme troisième pôle les grands glaciers de l’Himalaya. Sur le plan de l’étude climatologique, il n’a pas absolument tort, mais sur le plan de la gestion, c’est une erreur car ce n’est pas commode. Il y a donc deux pôles. Retenez surtout qu’ils n’ont rien d’autre en commun que le froid. Pour le reste, tout est différent. Un continent et un océan. Un voisinage surencombré au nord, une absence totale de voisinage et notamment d’électeurs en Antarctique, ce qui a permis d’avoir des résultats politiques significatifs. Et, autre différence, le statut. Le miracle de la coopération internationale est en Antarctique. C’est la seule portion des terres émergées de la planète qui soit gérée en commun par le monde sous forme de coopérative. Et qui, en plus, le soit à peu près proprement, au nom d’un système juridique dans la production duquel il y a eu deux miracles.

Le premier est la vraisemblable folie du président Eisenhower tout seul contre son administration, ses militaires, ses conseillers, qui décida, en 1959, en plein essor de la guerre froide, de faire « une Antarctique ouverte ». Il adresse...

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