Le dictionnaire du sens interdit - Persécution

parAndré LE GALL, écrivain

Articles de la revue France Forum

PERSÉCUTION.

Questios. Les siècles se succèdent, le monde change, la persécution demeure. Sopor. De nos jours, il y a tout de même des institutions protectrices, à commencer par le Conseil des droits de l’homme de l’Onu qui réunit quarante-sept pays élus pour trois ans par l’Assemblée générale. Questios. Cette Assemblée doit tout de même avoir des instants de distraction car, dans la liste des pays faisant partie du Comité ou en ayant fait partie, on trouve des États aussi attachés à la promotion des droits de l’homme que l’Arabie saoudite, la Chine, Cuba, le Viêtnam, la République bolivarienne du Venezuela. Manquent dans la liste la Corée du Nord et l’État islamique. Sopor. Parfois, cependant, le Conseil sert de caisse de résonance à des rapports qui dénoncent courageusement quelques-unes des horreurs de ce monde. Questios. C’est vrai. Et les horreurs surabondent. Rohingyas chassés de leur patrie, Yézidis exterminés, Ouïgours enfermés par centaines de milliers dans des camps de concentration. Parmi les puissances d’oppression, la Chine se situe en bonne place. Églises fermées, sanctuaires détruits, fidèles harcelés, prêtres et pasteurs emprisonnés, les longues années du communisme chinois auront réservé aux dissidents d’interminables épreuves à répétition dont le règne actuel n’annonce pas la fin, bien au contraire. Voici que l’on prétend imposer une nouvelle traduction des livres sacrés afin d’en rendre l’enseignement compatible avec le marxisme-léninisme dûment sinisé par la pensée du nouvel empereur. Réécrire la Bible : la prétention de cette tyrannie totalitaire, servie par une technologie foisonnante, atteint, ici, au délire. Sopor. Tertullien n’a-til pas dit : « Le sang des martyrs est semence de chrétiens » ? Questios. Voilà bien une citation dont il ne faut user qu’avec prudence. Tout d’abord, pour un Français encore à l’abri, sans doute pour un temps assez bref, des pratiques d’asservissement les plus agressives, il y a quelque incongruité à jeter aux persécutés en guise de consolation cette parole héroïque prononcée dans l’Empire romain aux environs de l’an 200. Ensuite, pour le présent, on ne saurait ignorer les effets à moyen terme d’une submersion culturelle. sous nos yeux, nous voyons se lever une immense vague de persécutions, attentat sur attentat : Toussaint 2010 à Bagdad, 60 morts ; Pâques 2016 à Lahore, Pakistan, 75 morts ; Noël 2016 au Caire, 29 morts ; Rameaux 2017 en Égypte, 45 morts ; Pâques 2019 au Sri Lanka, 150 morts ; Nigeria, Mésopotamie, etc. Égorgements, décapitations, fusillades, pendaisons, esclavage sexuel, millions de personnes déplacées : le récit de la barbarie planétaire engendre une espèce de lassitude à laquelle on voudrait trouver quelque chose à opposer. Mais quoi ? Plutôt que de répéter la sentence de Tertullien, on préférerait s’absorber dans la contemplation de quelque icône représentant une Geneviève contemporaine défendant la Cité. Sopor. Vous travaillez dans l’imaginaire maintenant ? Questios. qu’est-ce qui m’en empêcherait ? Imaginons donc sur un fond aux couleurs d’incendie une femme jeune d’une souveraine beauté, tenant à bout de bras, très haut au-dessus de la tête, les symboles du christianisme, répondant par toute son attitude aux injonctions, aux intimidations, aux prescriptions, aux proscriptions de l’étouffante tyrannie qui la menace ; rayonnant d’une fermeté de conviction, d’une ardeur dans l’affirmation de la foi qui irradient son visage d’une mystérieuse grandeur ; sommant du regard les autorités et les puissances qui lui doivent aide et protection de remplir leur mission ; manifestant avec force que son refus déterminé de toute xénophobie ne saurait avoir pour perspective l’apostasie collective.