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Parodie

parNicolas VIEL, musicologue

Articles de la revue France Forum

La parodie, mot grec signifiant contre-chant, est une des rares formes d’expression musicale qui permettent l’humour.

Elle consiste à imiter le style, le dispositif et le contenu musical ou textuel d’une œuvre tout en les déformant, par outrance le plus souvent. Tous les degrés d’emprunt sont possibles (rythme, mélodie, style et texte), mais le critère incontournable pour échapper à l’accusation de plagiat reste l’humour et, plus exactement, la satire. Celle-ci peut cibler la musique parodiée elle-même ou bien une tierce personne.

À la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle, la tradition du timbre permettait de placer, sur une mélodie connue, des paroles nouvelles, le plus souvent destinées à faire sourire. Les timbres désignaient ces mélodies appartenant le plus souvent aux genres de l’opéra, de la chanson populaire, regroupées dans des recueils dont certains sont restés célèbres comme La Clé du Caveau, édité en 1811. Les auteurs des textes sont souvent anonymes, mais certains sont restés célèbres comme le Parisien Pierre-Jean de Béranger. Parodie au plein sens du terme, la pratique du timbre est restée vivace dans la sphère domestique : qui n’a réécrit, pour le mariage d’un proche, le pot de départ d’un collègue, le texte d’une chanson connue ? Et même quand la cible est un tiers, une personne, un groupe de personnes ou une institution, le choix de la mélodie, du timbre, peut contenir sa part de parodie musicale.

Depuis Béranger, cette veine française ne s’est pas tarie. Les Frères Jacques, Chanson Plus bi-fluorée ou le groupe Odeur ont largement parodié de façon variablement subtile. Aujourd’hui, elle profite des moyens de diffusion numériques pour étendre ses bienfaits et la toile regorge de versions hyperboliques de chansons connues, productions parfois dotées de moyens importants comme celles de Michaël Youn ou de Lolywood. Certains chanteurs en font une pratique pas nécessairement revendiquée, mais bien présente, comme Philippe Katerine.

La parodie reste le plus souvent une forme de critique et si, parmi ses moyens, l’outrance figure en bonne place, on lui reproche à raison sa vulgarité. Ce qui lui permet de flétrir sa cible faisant aussi ce qui la rend drôle, le spectateur peu indulgent à l’égard de la vulgarité peut l’imputer à la chanson d’origine et en dédouaner l’auteur de la version outrancière. Et c’est même à ça qu’on la reconnaît : le propre de la parodie est de s’appuyer sur cette ambiguïté pour inverser les repères par la transgression et le détournement. C’est pourquoi il faut la distinguer du chant protestataire (moins drôle), du pastiche (plus sage et lointain) ou de la citation (plus simple et fugace) sans occulter la part d’hommage que le choix d’une cible peut recéler. Frank Zappa, parodiste intégral et universel, semble décocher ses flèches autant à ceux qu’il déteste qu’à ceux qui l’inspirent (Johnny Cash, Bob Dylan, Van Halen, Prince, etc.). Dans l’art de la parodie aussi, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment.

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