De la démocratie économique en entreprise
Articles de la revue France Forum
On attend le Montesquieu de la démocratie économique.
Si la question démocratique est omniprésente dans le débat politique en France et un peu partout en Europe, la démocratie économique brille, au contraire, par son absence et demeure un thème complètement délaissé dans les discours des partenaires sociaux.
Dans une large mesure, ce paradoxe tient à l’« idéologie gestionnaire » ambiante qui, depuis le milieu des années 1980, insuffle une culture de la création de valeur pour l’actionnaire aux effets corrosifs sur le climat et les relations sociales dans les entreprises. Cette culture participe, en effet, d’une approche du travail aux antipodes de celle conçue par le sociologue allemand Max Weber. Considéré avant tout comme un coût, le « travail moderne », pour reprendre l’expression de Richard Sennett1, est ignoré pour les nombreuses vertus ascétiques qu’il recèle comme, par exemple, le volontarisme, la rigueur ou l’exigence du travail bien fait. Fondé sur la culture du résultat, le « travail moderne » se présente, au contraire, comme un univers anomique, tissé de relations superficielles et favorisant l’adoption de comportements opportunistes. Il en découle une éthique du travail dépourvue de tout engagement moral, a fortiori de tout principe de reconnaissance. De là, peut-être, le ressenti de la part d’un grand nombre de salariés d’une indifférence coupable des directions d’entreprise à l’égard de leur personne ainsi qu’aux valeurs et au sens intime que chacun investit dans son activité.
UNE RÉNOVATION PROFONDE DES RELATIONS SOCIALES. Mais cette domination sans partage de la « finance » sur les normes et les représentations du travail est loin de...
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1. Le travail sans qualités : les conséquences humaines de la flexibilité, « Fait et cause », Albin Michel, 2000.