Cet économiste chevronné s’est également intéressé à l’anthropologie et à la sociologie, ce qui ressort grandement dans ses travaux, menés aux quatre coins de la planète, de l’Europe à l’Afrique subsaharienne en passant par l’Asie du Sud et l’Amérique latine.

Dans cet ouvrage généreusement documenté, Jean-Michel Servet met son expérience et sa « critique radicale du savoir économique » au profit d’une analyse approfondie du nouveau courant comportementaliste en économie. Si l’auteur lui reconnaît des objectifs a priori louables – les recherches et les projets menés dans son cadre se situant principalement dans le champ du développement et de la réduction de la pauvreté –, il invite à une certaine prudence à l’égard du succès rencontré par ce courant. Il est vrai que les « néocomportementalistes » ont désormais toute l’attention des institutions internationales et des autorités publiques et ont une influence importante sur la légitimation de leurs décisions. De prime abord, leurs méthodes sont séduisantes avec des expérimentations sur le terrain, dans la « vraie vie » des gens. Mais Jean-Michel Servet aussi s’y est confronté, au terrain, abondamment même ! Et ses rencontres dans la société civile, ses enquêtes à caractère socioéconomique, ses travaux sur la microfinance et les monnaies locales lui donnent le recul nécessaire pour éclairer le lecteur sur les limites de la preuve par expérimentation.

Tout au long de son étude, l’auteur dissipe, peu à peu, l’écran de fumée qui entoure ces économistes comportementalistes « new age ». Les principales critiques qu’il forme à leur encontre tiennent au manque d’intérêt manifesté pour les autres sciences sociales, au coût élevé des tests et de leur exploitation, à la connaissance insuffisante des communautés au sein desquelles ils mènent leurs expérimentations (et qui font, en outre, parfois figure de cobayes), à leur définition sommaire de l’individu... Pour que la séduction ne l’emporte pas sur la raison, des ouvrages comme L’économie comportementale en question sont indispensables.

Editions Charles Léopold Mayer,
2018 – 19 €