La pandémie de Covid-19 constitue une incontestable aubaine pour les grandes plates-formes numériques. Ce sont elles qui, au plus haut de la crise, ont assuré les connexions entre pays, individus et organisations. Elles façonnent les rapports politiques et sociaux et sont désormais au cœur des rapports de puissance. La coopération, la compétition et la confrontation entre la Chine et les États-Unis se jouent notamment à travers elles. La crise du coronavirus va-t-elle incarner un tournant dans notre rapport à l’économie numérique et à ses avatars californiens ? Plusieurs constats et projections peuvent être faits.

Certains de ces acteurs, à l’image passablement écornée par une série de scandales d’ampleur, ont tenté de se racheter une conduite en rappelant qu’ils font partie de la solution et non du problème. En effet, jamais les Gafam¹ n’ont autant été remis en cause que ces trois dernières années (y compris de l’intérieur, comme Google et Amazon), et jamais la dépendance des États et des sociétés à l’égard des services et outils numériques n’a été aussi élevée, avec le développement du télétravail.

Pour Facebook, la pandémie a été l’occasion d’une rédemption. Son patron, Mark Zuckerberg, a trouvé l’argumentation théorique pour soutenir ce qu’il refusait en matière politique, au nom de la liberté d’expression : le retrait de certains contenus de la plate-forme (tout en consolidant son pouvoir sur le conseil d’administration entamé avant l’épidémie). Facebook et Twitter ont censuré le président du Brésil, Jair Bolsonaro, une première concernant un chef d’État. Jack Dorsey, le patron de Twitter, de son côté, a promis un quart de sa fortune – un milliard en actions de Square, sa compagnie de paiement – pour la lutte contre la Covid-19, quand Jeff Bezos donnait...