Le dictionnaire du sens interdit - IVG et l'An 40

parAndré LE GALL, écrivain

Articles de la revue France Forum

IVG.

Résurgence du pire, nouvelle tentative pour abroger la clause de conscience, attentat précisément contre les injonctions les plus intimes de la conscience.


L’AN 40. Revenons à cet an quarante qui a imprimé sa marque indélébile sur notre histoire. Revenons-y en consultant les journaux. L’été quarante, c’est le grand oratorio de la repentance. Battre sa coulpe est une démarche d’une méritoire lucidité à condition que ce ne soit pas sur la poitrine d’autrui. Au lendemain de la défaite, on reproche, non sans fondement, aux politiques leur cécité institutionnelle, cette obstination qu’ils ont mise à ne pas réformer une constitution défaillante qui a maintenu la France dans un état de faiblesse congénitale, qui en a fait une proie facile pour une Allemagne galvanisée par le führerprinzip, la prééminence du guide suprême sur tous les pouvoirs. Mais les accusations du grand parlophone public ne portent pas seulement sur le fonctionnement de l’État, elles s’étendent à l’ensemble de l’héritage républicain. « Payons, expions », etc. C’est le ton du lamento de l’an 40. La France courbe l’échine. Mais les trains se remettent à rouler. Le courrier est acheminé. La charrue, le tour, la règle à calcul sont de nouveau en mains. Les journaux publient de petites annonces où l’on voit des mères à la recherche de leurs enfants perdus durant l’exode, des enfants dont on donne le signalement dans l’espoir qu’ils retrouvent leur mère. La guerre continue. Dans Le Progrès de Lyon du 29 septembre 1940, on lit le texte d’une ordonnance de renvoi devant le tribunal de Toulon, de cinq officiers de marine dont le vice-amiral Muselier « passés au service de l’ex-général de Gaulle ». Les Français de 1940 avaient la patrie en héritage. Dans Le Matin du 14 août 1940 on peut lire en gros titre en première page « La grande bataille de l’Angleterre est engagée ». L’aviation allemande est à l’assaut des îles britanniques. Le 7 septembre, une formation comprenant 300 bombardiers et 600 chasseurs se porte par vagues successives au-dessus de Londres, déversant sur la capitale bombes explosives et bombes incendiaires, allumant de gigantesques incendies. La capacité du peuple anglais à accepter les morts et les blessés, à encaisser les destructions, à s’enfouir dans les profondeurs du métro pour y vivre d’une vie nocturne rythmée par les romances familières renvoie à la postérité l’image ineffaçable d’une nation héroïque, debout sous le feu du ciel, hommes, femmes, enfants, immortalisés au plus haut sommet de leur vie, en cet instant où l’histoire bascule, où la courbe s’infléchit. Les sujets de sa gracieuse Majesté y auront gagné une citoyenneté historique, leur méritant respect et déférence pour la suite des temps. Et par association d’idées, vient en mémoire ce souvenir d’enfance. Cela se situe en Bretagne, à l’extrême pointe du Finistère nord. C’est le plein jour. Subitement, dans le ciel, un parachute blanc se met à osciller de gauche à droite et de droite à gauche. Alors, toute la population locale abandonne les champs et les travaux pour se retrouver bientôt au point de chute. L’aviateur porte un blouson de cuir. Il est assis par terre, surveillé par un militaire allemand revolver au poing. L’allemand le tient sous la menace comme il tient en respect les 50 ou 100 paysans qui se sont rassemblés en demi-cercle, à distance respectueuse. C’est l’Allemand qui tient l’aviateur sous sa garde, mais c’est le prisonnier qui domine la scène. C’est vers lui que vont les ondes qui portent toute la violente sympathie du peuple breton assemblé là, c’est lui qui focalise l’espérance de la liberté. L’aviateur, du haut de sa position assise, correspond avec la petite foule qui l’entoure par des signes, des sourires, des gestes de connivence que son gardien n’est pas maître d’empêcher. Insurrection silencieuse au temps de l’Occupation.

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