Le personnage principal d’une sitcom s’interroge sur le sens de la vie. Une obèse balaie du regard l’intérieur de son réfrigérateur comme on visiterait la galerie des Glaces du château de Versailles. Un « moi, le maître du monde » au sommet de son gratte-ciel met, enfin, un visage sur le nom de son père biologique. Trois personnages, deux frères et leur soeur, choisissent le jour de leur 36^e anniversaire pour en finir avec le fatalisme et changer le cours de leur destin : Kate, obèse, avec ses élans, ses doutes, ses obsessions douloureuses autour des régimes ; son jumeau, Kevin, dont les monticules de fêlures, de blessures d’enfant en font un personnage qu’on aime autant qu’on déteste ; Randall, surdoué, noir, adopté à la naissance par une famille blanche dans une Amérique au racisme endémique. Dans la mosaïque des sentiments exprimés et des silences appuyés, This Is Us pose un regard profondément humain sur les parents, Jack (Milo Ventimiglia, étrange sosie de Frédéric Diefenthal), Rebecca (l’émouvante Mandy Moore) et William (Ron Cephas Fones), le père biologique de Randall.

Les histoires de This Is Us s’entrecroisent pour raconter les petites tragédies du quotidien. Triste banalité ? Pas du tout ! La meilleure série du moment parvient à vous captiver comme le meilleur des polars. This Is Us offre une poésie singulière qui raconte l’ordinaire des sentiments avec une dérision piquante, légèrement féroce. Le ton est donné dès le début de cette formidable série dont la spécificité tient à la grâce et au rythme de l’écriture. Dan Fogelman, le scénariste à qui l’on doit les films d’animation Volt, Cars et Raiponce, déteste l’ennui. Par la concision et la précision des dialogues, il ne se perd pas dans un écheveau d’émotions. C’est un tour de force car, à peine, a-t-il commencé à débobiner une intrigue qu’une autre surgit. entre rire contenu et émotion sincère, on se prend d’affection pour l’un des personnages jusqu’à ce qu’un basculement nous fasse pénétrer dans une autre dimension avec un autre. This Is Us interroge sur les névroses familiales, la résurgence de douloureux souvenirs d’enfance ou les réminiscences de repas, théâtre de tant de psychodrames.

La série est finement écrite et magistralement interprétée. Le montage alterne ingénieusement les trajectoires sinueuses entre deux époques, les années 1980 et aujourd’hui. Diffusée sur Canal+ séries, la sitcom a trouvé son public dès son lancement sur NBC.

This Is Us réussit son pari sur toute la ligne. Dans une Amérique abîmée par une campagne présidentielle aux relents nauséabonds, où les divisions n’ont jamais été aussi fortes, revendiquer l’amour est un don inestimable, indispensable. Une philosophie que Donald Trump devrait utiliser pour tenter de réconcilier un pays fracturé, déchiré socialement. Un rêve pieux ?