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Keynes vs Fillon

parNicolas BOUZOU, économiste, président d’Astérès

Articles de la revue France Forum

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Depuis la désignation de François Fillon comme candidat de la droite et du centre, on a pu entendre de la part de certains commentateurs que mettre en place un programme thatchérien quarante ans après Margaret Thatcher relevait de l’anachronisme. Cet argument est faible. en effet, la politique que propose François Fillon consiste, pour schématiser, à flexibiliser le marché du travail et à diminuer le poids de la dépense publique pour baisser la fiscalité. C’est, en effet, une vision comparable qui a animé les conservateurs britanniques à la fin des années 1970, mais aussi les Suédois et les Allemands dans les années 1990. On dispose, aujourd’hui, de suffisamment de recul et d’études pour juger des effets positifs et négatifs de ces politiques. À court terme, ces mesures ont un impact dépressif car la baisse de la dépense publique est défavorable à l’activité, en tout cas « sur le moment ». Certes, il est prévu que les allègements de prélèvements obligatoires soient simultanés à la réduction de la dépense, mais les économistes savent que les multiplicateurs fiscaux sont moins puissants que ceux liés à la dépense publique. À moyen terme, en revanche, ces politiques redonnent de la compétitivité, dynamisent l’investissement privé et l’augmentation du taux d’emploi est favorable à la croissance. Thatchérienne ou pas, cette politique n’est pas anachronique car elle correspond aux insuffisances françaises. Pour résumer, à brève échéance, le coût économique et social de ces politiques de l’offre doit être considéré comme un investissement pour une économie plus robuste et, à long terme, on l’espère, plus inclusive. Néerlandais, Allemands, Britanniques, Autrichiens, tous sont bien contents d’avoir mené ces politiques il y a quelques années ou quelques décennies, quoiqu’elles fussent compliquées et douloureuses à mettre en oeuvre.

Dans ces pays, le coût de ces politiques a, cependant, été souvent adouci par des dévaluations monétaires, ce qui est impossible dans la zone euro. La France ne dispose pas de cet anesthésiant monétaire ce qui, en théorie, va accroître la souffrance d’une opération chirurgicale qui n’en reste pas moins indispensable. Il faut donc raisonner autrement et trouver le moyen de contrecarrer les effets de cette politique à l’aide de dopants. À ce titre, l’investissement public est une piste intéressante. Mais pas l’investissement public traditionnel, financé par les impôts ou les dettes, qui consiste à construire des rails, des routes ou des aéroports dont on n’est pas certain d’avoir besoin demain, à l’ère des véhicules autonomes, de la voiture volante ou de l’Hyperloop. En revanche, il existe, en France, un besoin massif de rénovation des infrastructures existantes, notamment les ponts et les routes et même les trottoirs, dont l’État se dégrade continument. Pour ne pas entrer en conflit avec l’objectif de réduction de la fiscalité, c’est de l’argent privé qui devra être mobilisé pour réaliser ces investissements. On pourrait, par exemple, étendre considérablement les possibilités pour les entreprises directement concernées par l’amélioration des infrastructures (commerçants en centre-ville, grandes surfaces en périphérie) de participer à leur financement. On pourrait aussi autoriser les collectivités locales à mettre en place des péages afin de lever l’argent des usagers sans solliciter celui de tous les contribuables. Cela permettrait de stimuler l’activité économique rapidement, intelligemment et sans augmenter les impôts.

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