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Espace et temps

parNicolas BOUZOU, économiste, président d’Astérès

Articles de la revue France Forum

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Au cœur  du mois d’octobre, alors que le gouvernement s’obstinait à vouloir dépenser plusieurs centaines de millions d’euros pour empêcher la fermeture du site Alstom de Belfort, Elon Musk présentait son plan de colonisation de Mars d’ici à 2024. Comme chacun le sait, Elon Musk a dirigé PayPal, fondé Tesla (les voitures électriques), SolarCity (les panneaux solaires) et Spacex, une entreprise de lanceurs spatiaux. Cette dernière suscite, chez nous, quelques quolibets, notamment depuis qu’elle a essuyé un nouvel échec avec l’explosion de son lanceur Falcon 9 (et, avec lui, des satellites embarqués). Il est vrai qu’un lancement Spacex semble encore, en moyenne, peu fiable, surtout par rapport à la mécanique parfaitement huilée d’une entreprise comme Arianespace. Mais il s’agit de deux philosophies différentes. Arianespace innove de façon incrémentale et propose des prix de lancement encore élevés. Spacex innove de façon radicale et propose des prix plus faibles. La différence, tant que les technologies utilisées par Spacex ne seront pas parfaitement stabilisées, sera le niveau de risque : plus élevé pour l’entreprise américaine que pour l’entreprise européenne. Ceci dit, avec Spacex, Elon Musk et ses équipes ont bâti, à partir de rien, sur le modèle « idéal-type » de la start-up de la Silicon Valley, une entreprise spatiale qui tient la route. De façon très significative, Barack obama a emboîté le pas à Elon Musk dans une tribune publiée sur le site de CNN dans laquelle il écrit que le gouvernement américain collaborera avec le secteur privé (Boeing, Lockweed, Amazon, Spacex…) pour envoyer des humains sur Mars, d’abord pour des missions, ensuite pour y établir une base permanente.

Quelques jours avant les déclarations de Elon Musk, Microsoft a annoncé vouloir se lancer dans la lutte contre le cancer et pouvoir aboutir à des résultats probants d’ici à dix ans. Facebook a annoncé aussi plusieurs milliards de dollars d’investissement dans la santé. Comme le rappelle Laurent Alexandre, ces entreprises américaines ont comme projet philosophique et même, d’une certaine façon, politique d’allonger considérablement la durée de la vie humaine en luttant contre la maladie et le vieillissement. Ce qu’il faut bien comprendre, pour percer la nature de cette économie émergente, c’est que ces deux aspects – allonger le temps et étendre l’espace – sont complémentaires. C’est bien parce qu’on vivra de plus en plus longtemps que l’on ne pourra pas se limiter à la terre et que l’humanité devra devenir une espèce, non plus simplement terrienne, mais interplanétaire. Historiquement, cette double obsession, du temps et de l’espace, n’est pas nouvelle et nous ramène aux grandes mutations technicoéconomiques précédentes. Au XIXe siècle, lors de la Renaissance ou au siècle de Périclès, il s’est également agi d’aller plus loin, de vivre plus nombreux et plus longtemps.

Évidemment, nous sommes là très loin d’Alstom ou du débat sur la loi El Khomri. Mais la nature de la transformation économique mondiale à l’œuvre est là, dans le projet démiurgique de la Silicon Valley. Si nous étions sérieux, dans la campagne présidentielle qui s’ouvre, ces sujets devraient nous obséder. • 

 

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