Ma présentation porte sur le rôle des experts et plus largement sur ceux qui sont censés savoir ce que l’avenir nous réserve. Je ne parlerai pas de la manière dont on prévoit l’avenir et ne prétendrai pas que les experts peuvent le faire. Au contraire, mon propos est de montrer, non seulement les limites de ces savoirs, mais aussi et surtout leurs effets paradoxaux.

Les futurs que j’évoquerai sont ceux liés à l’évolution de la politique internationale – la chute des États, les révolutions et les guerres – ainsi que ceux de la sphère financière. je ne traiterai donc pas des questions de criminalité.

Je commencerai par évoquer le rôle des sciences sociales en matière d’anticipation, de prévision et de prédiction. La sociologie, l’économie et la science politique raisonnent sur des faits qui ont déjà eu lieu : les sciences sociales ne peuvent traiter de l’avenir. Pour autant, elles mobilisent des notions qui nous projettent dans l’avenir. Parler, par exemple, d’État totalitaire ou autoritaire désigne déjà un futur possible, marqué par la solidité et la continuité des processus politiques. De même, la démocratie est un système politique qui possède un horizon devant lui.

Si les universitaires adoptent une position prudente, se refusant à traiter autre chose que des données, ils sont aspirés vers le futur au travers des journaux ou des conférences comme celles-ci. Il est rare qu’un spécialiste de science politique intervenant sur France Inter ou France Culture se voie demander d’intervenir sur la Première Guerre mondiale. En revanche, on attend de lui de savoir si un accord sera signé avec l’Iran en matière nucléaire, si un attentat frappera la France ou les États-Unis ou quelle est l’étendue de la menace. Il est projeté dans l’avenir en raison de ces demandes.

Beaucoup d’universitaires et d’experts...