© USAID in Africa

De l'initiative Nansen à la plate-forme sur les déplacements liés aux catastrophes

parWalter KAELIN, envoyé de la présidence de la plate-forme sur les déplacements liés aux catastrophes

Articles de la revue France Forum

Tout faire pour que le « déplacement » des personnes soit l’ultime solution.

Entre 2008 et 2017, plus de 24,6 millions de personnes en moyenne ont été forcées, chaque année, de fuir leur lieu de vie à cause de catastrophes. Bien que les aléas géophysiques, tel le séisme de 2010 en Haïti, déplacent occasionnellement un grand nombre de personnes, les intempéries, telles les inondations ou les tempêtes, et les sécheresses, sont à l’origine de la grande majorité des déplacements. Si de nombreuses victimes rentrent chez elles dans des délais relativement courts, d’autres demeurent en situation de déplacement prolongé pendant plusieurs années. La plupart des personnes trouvent refuge dans leur propre pays. Toutefois, selon les circonstances, plusieurs milliers fuient au-delà des frontières.

Les déplacements liés aux catastrophes font ainsi partie des plus grands défis humanitaires du XXIe siècle. Les conséquences des changements climatiques tels que l’intensification des tempêtes et de la montée du niveau de la mer aggraveront encore la situation au cours des prochaines décennies. C’est la constatation faite pour la première fois en 2010 par la communauté internationale à Cancún. Les États parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ont alors appelé à prendre des mesures concernant les déplacements, la migration et la réinstallation planifiée découlant des changements climatiques. Toutefois, en 2011, lors d’une réunion ministérielle à Genève, les États ont clairement indiqué qu’ils n’étaient pas encore prêts à mener des discussions approfondies sur ces défis dans le cadre des Nations unies. La Norvège et la Suisse ont alors réagi en s’engageant à organiser un processus de consultation, d’une part, entre différents gouvernements et, d’autre part, avec la société civile, afin de déterminer la meilleure façon de relever ces défis. C’est ainsi que l’initiative Nansen a été lancée en octobre 2012. Une série de consultations a eu lieu dans les régions particulièrement touchées, dont le Pacifique, la Corne de l’Afrique et l’Amérique centrale. Ces travaux ont abouti à l’adoption par cent neuf États d’un « agenda pour la protection des personnes déplacées au-delà des frontières dans le cadre de catastrophes et de changements climatiques », en octobre 20151. La Platform on Disaster Displacement (PDD) – plate-forme sur les déplacements liés aux catastrophes –, dont le Bangladesh assume actuellement la présidence et la France la vice-présidence, regroupe plusieurs États travaillant à la mise en œuvre de l’agenda pour la protection de l’initiative Nansen.

Les consultations menées par l’initiative Nansen ont clairement montré qu’un concept de « réfugiés climatiques » tel qu’il est promu par certains universitaires et organisations non gouvernementales ne serait pas adéquat, car les victimes de catastrophes géophysiques ne bénéficieraient d’aucune protection. En outre, les déplacements dans le cadre des changements climatiques découlent toujours de causes multiples ; il est, par conséquent, extrêmement difficile d’établir que de tels déplacements sont effectivement dus aux changements climatiques. Par exemple, dans le cas de personnes déplacées d’une région inondable ou de leurs foyers trop précaires pour résister à une tempête violente, les facteurs humains tels que la pauvreté et le non-respect des lois de zonage contribuent autant au déplacement que les forces de la nature.


LA PRÉVENTION DES RISQUES. En réalité, les déplacements ont lieu lorsque des personnes sont exposées à un aléa et sont trop vulnérables pour en supporter les impacts. La compréhension de cet enchaînement permet de gérer et de réduire les risques de déplacement. La communauté internationale peut atténuer l’intensification des changements climatiques et ses conséquences en assurant la pleine mise en œuvre de l’accord de Paris de 2015. Il est également possible de réduire la vulnérabilité et de renforcer la résilience des communautés exposées à des risques de déplacement en investissant dans des mesures de réduction des risques de catastrophe et d’adaptation aux changements climatiques. Si cela ne suffit pas, une réinstallation planifiée des populations – par exemple, à l’écart des côtes en pleine érosion – et l’ouverture de voies pour la migration régulière vers d’autres pays permettront de réduire l’exposition aux risques et aideront les personnes à se mettre à l’abri avant que la catastrophe ne frappe. Les consultations menées par l’initiative Nansen ont fait écho à l’appel lancé par les communautés concernées de promouvoir des mesures qui leur permettraient de faire face aux conséquences néfastes des changements climatiques et de pouvoir faire un choix pour prendre leur destin en main, plutôt que d’attendre d’être déplacées.

Malgré ces efforts, les déplacements liés aux catastrophes se poursuivront. Si le droit international actuel reconnaît des droits aux personnes déplacées dans leur propre pays, celles qui fuient au-delà des frontières ne bénéficient d’aucune protection internationale. Cependant, l’initiative Nansen a identifié l’efficacité d’un certain nombre de pratiques employées par plusieurs États pour accepter et protéger ces personnes déplacées. Parmi ces pratiques figurent des mesures telles que l’octroi d’un visa humanitaire ou d’un statut de protection temporaire. Il est nécessaire d’harmoniser ces instruments au niveau régional et de faire en sorte que leur utilisation soit plus prévisible.

Aujourd’hui, la plate-forme diffuse ses messages dans le cadre de processus internationaux et régionaux pertinents. En Amérique centrale et en Amérique du Sud, elle soutient ainsi les efforts des États visant à harmoniser leurs approches en matière d’acceptation des personnes déplacées au-delà des frontières en contexte de catastrophes. à l’échelle mondiale, le cadre de Sendai 2015 pour la réduction des risques de catastrophe aborde de manière explicite les déplacements dans le sens promu par l’initiative Nansen. La plate-forme est également membre de l’équipe spéciale sur les changements climatiques et les déplacements mise en place par la COP21 dans le cadre de l’accord de Paris de 2015.

En décembre prochain, les États membres de l’ONU adopteront la version finale du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, négocié à New York en juillet dernier. La version finale du texte reflète dans une large mesure les propositions de l’initiative Nansen en ce qui concerne la prévention des déplacements, l’ouverture de voies de migration régulière pour les personnes affectées par les catastrophes et les effets néfastes des changements climatiques et la protection des personnes déplacées dans ces contextes au-delà des frontières. Cela représente un grand pas en avant dans l’amélioration de la protection des personnes déplacées en contexte de catastrophes et des conséquences néfastes des changements climatiques.

Changement climatique
Migration
Droit international