16 mars 2020 : la révolution numérique de l’école
À quelques expériences près, l’Education nationale était restée à l’écart de la révolution numérique.
Alors que, depuis le milieu des années 1990, le numérique bouleversait, presque partout, la vie économique et, au-delà, la vie sociale, le face-à-face maître-élève de la salle de classe se poursuivait. L’überisation de l’école promise par certains n’avait pas eu lieu. Bien sûr, ici ou là, sous la houlette de jeunes enseignants, le tableau interactif remplaçait le tableau noir, mais rien de réellement structurant ne s’était produit en termes pédagogiques et surtout en termes organisationnels. Les régions avaient beau distribué gratuitement des millions d’ordinateurs portables ou de tablettes numériques, l’école restait l’école avec ses codes, ses méthodes, ses traditions, ses crayons, ses cahiers et ses cartables. Même l’élève le plus addict au digital était prié de laisser son outil et son savoir en ce domaine à la porte de son établissement. Un maître du début du XXe siècle – celui de Topaze, tiens ! –, faisant irruption dans une salle de classe d’aujourd’hui, n’aurait pas perçu beaucoup de changement.
Avec une accélération absolument incroyable, le Covid-19 est venu totalement bouleverser la donne. L’impératif de continuité pédagogique, fixé à juste titre par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation, dès le premier jour de fermeture des écoles, collèges et lycées, n’a donné le choix à personne. En quelques jours, enseignants et élèves ont dû plonger dans le grand bain de l’école numérique. Certes, entre des enseignants pour certains en panique de devoir modifier en quelques heures des décennies de pratique pédagogique et des élèves quelquefois dépourvus d’un ordinateur personnel, rien n’a été facile. Peu importe, retenons que le 16 mars 2020 marquera la révolution numérique de l’institution scolaire.
Maintenant que les établissements réouvrent, la question qui se pose est de savoir s’il y aura une école d’après Covid. La réponse est oui. Pour le dire trivialement, personne ne réussira à remettre le dentifrice dans son tube. Trop de choses se sont passées et trop d’enjeux sont devant nous. Après les personnes âgées frappées par le coronavirus, ce sont aujourd’hui les jeunes qui risquent d’être frappés par la crise économique et la déqualification. L’école comme l’université devront rester hybrides mixant présentiel et distanciel, non plus sous la contrainte sanitaire, mais au nom de l’efficacité pédagogique, de la personnalisation, du soutien aux plus fragiles, de l’adaptation des formations. Ni les enseignants, ni les élèves, ni les familles ne voudront du retour à l’école de l’avant-Covid, c’est une certitude. Après la révolution, il n’y aura pas de restauration.