Acteur régional pour le pire et le meilleur
Articles de la revue France Forum
Le portefeuille au nord, mais le coeur au sud.
Les événements survenus dernièrement dans la province d’Idlib, sur le territoire de la République arabe syrienne où, depuis 2012, se déchaîne un conflit civil largement internationalisé, braquent, une fois de plus, les regards sur la posture vindicative de Recep Tayyip Erdogan et l’implication aventureuse de la Turquie dans la région. Or, depuis le milieu des années 2000 et le blocage des négociations entre Ankara et Bruxelles sur l’accession de la Turquie à l’Union européenne (UE), le gouvernement conservateur du Parti de la justice et du développement (AKP) a ouvertement signalé sa volonté d’accroître son autonomie envers ses partenaires traditionnels de l’Otan. Ainsi, il souhaite intensifier ses relations politiques, économiques et culturelles avec des pays ou des régions de sorte à renforcer la convergence avec la position géographique de la Turquie, son héritage historique, notamment ottoman, son identité culturelle ; mais aussi, et bien sûr, avec ses intérêts économiques et stratégiques.
L’HÉRITAGE HISTORIQUE DE LA TURQUIE. Si Ahmet Davutoglu1 décrit la Turquie comme un pays aux identités multiples, il affirme que son obédience est avant tout islamique et moyen-orientale.
Dans cette optique, Recep Tayyip Erdogan, s’appuyant principalement sur la science et la diplomatie de Ahmet Davutoglu, a multiplié les initiatives politiques, économiques, humanitaires, etc., vers le Proche-Orient et l’Afrique du Nord depuis la fin des années 2000. La Syrie, pays voisin avec lequel la Turquie entretenait un conflit larvé depuis la chute de l’Empire ottoman qui a bien failli devenir une guerre ouverte en 1998, est devenue le fleuron de cette politique arabe. Ainsi, il était prévu, par un accord de 2004, que soit progressivement établie une...
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1. Ahmet Davutoglu a été professeur d’université, spécialiste des relations internationales. issu de la prestigieuse université du Bosphore, il a longtemps séjourné en Malaisie avant de revenir en Turquie dans le courant des années 1990. Outre la fondation de divers think tanks et d’une université privée (istanbul Şehir, récemment placée sous contrôle de l’État), il est l’auteur d’un ouvrage qui a fait grand bruit en Turquie et au Proche-Orient dans les années 2000, mais qui n’a jamais été traduit en français ni en anglais (La Profondeur stratégique. La position internationale de la Turquie, Küre Yayinları, Istanbul, 2001).