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Du bon usage du virus !

parFrançois LAFOND, conseiller spécial du vice Premier ministre en charge des Affaires européennes de la République de Macédoine du Nord

Articles de la revue France Forum

Le discours de l’Etat de l’Union de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prononcé le 16 septembre 2020 au Parlement européen à Bruxelles (la bataille du siège se poursuit !), était le premier de sa mandature et s’est tenu après un premier semestre 2020 chamboulé par la bataille menée contre l’infiniment petit.

L’Union européenne a traversé cette période tête basse et, comme toujours, avec une certaine réactivité. Une fois l’exceptionnalité de la situation prise en compte par les dirigeants, après de compréhensibles réflexes nationaux, la volonté de dépasser les insuffisances des premières mesures prises et de répondre à une situation extraordinaire a été plus forte. Et les résultats obtenus ne doivent pas être sous-estimés. Au-delà de la mise en place de couloirs verts pour le passage des biens de première nécessité, de la suspension du pacte de croissance et de stabilité, de la pleine flexibilisation du régime des aides d’Etat, de l’intervention massive de la Banque centrale européenne (BCE), le véritable exploit est intervenu au cours de l’été avec l’accord budgétaire obtenu aux forceps – comme il se doit lorsqu’il s’agit de la tenue du cénacle des chefs d’Etat et de gouvernement – après cinq jours de marchandage.

Il faut bien reconnaître que le président de la République française, Emmanuel Macron, a été le principal artificier de ce qui apparaît, pour l’Union européenne, comme une nouvelle étape importante, à la mesure de la création de l’euro : la mutualisation de futurs investissements communs. Pour résumer, l’Allemagne qui s’y refusait depuis des années, comprenant qu’une absence de solidarité serait cette fois préjudiciable à la survie même de la zone euro, a finalement concédé à la Commission européenne la possibilité d’emprunter sur les marchés internationaux à hauteur de 750 milliards d’euros, avec des remboursements prévus à partir de 2036 (jusqu’en 2056). Ainsi, ce qui a été conçu comme un fonds de relance inédit, baptisé Next Generation EU par la Commission européenne, se répartira en subventions (390) et en prêts (360). Plus encore, cette nouvelle enveloppe budgétaire s’additionne au cadre financier pluriannuel (2021-27) d’un montant de 1 074,3 milliards d’euros, lui aussi agréé lors du Conseil européen de juillet.

Tout n’est pas encore défini puisque le Parlement européen doit donner son aval et cherche à modifier quelque peu la répartition entre les différents postes afin de corriger les coups de canif opérés au projet initial de la Commission par les chefs d’Etat et de gouvernement pour contenter les uns et les autres et éviter de rester un sixième jour à palabrer en plein été. Or, le temps presse d’autant que les conditions d’utilisation de Next Generation EU sont contraignantes : 70 % des fonds doivent être engagés lors des deux prochaines années et les 30 % restants en 2023. Le montant maximal pour chaque Etat ne pourra dépasser 6,8 % de son revenu national. Une complexe mécanique doit se déployer au Berlaymont.

Soyons honnête, l’un des souhaits de Emmanuel Macron, dès le discours de la Sorbonne en septembre 2017, était de doter l’Union européenne d’« un budget plus fort » avec des ressources propres adéquates. Ailleurs, il a même pu mentionner son doublement. En bon stratège, il arrive à tirer profit d’une situation inédite. Reste que, pour se mettre d’accord sur la mise en place des ressources propres qui permettront de rembourser les 750 milliards d’euros, il faudra, un jour, à ses successeurs et collègues du Conseil européen, une bien belle détermination que l’on a du mal à imaginer aujourd’hui. Même l’apparition d’un nouveau virus encore plus virulent pourrait ne pas être suffisamment mobilisateur !

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