© Renaud Camus

Hommage à Georges Bernanos (1888-1948)

parJérôme BESNARD, essayiste, chargé d’enseignement à l’université Paris Cité

Articles de la revue France Forum

Le 5 juillet dernier, nous n’étions pas nombreux à avoir fait le déplacement à Pellevoisin, dans le Berry, pour la commémoration officielle des soixante-dix ans de la mort de Georges Bernanos.

Le 5 juillet dernier, nous n’étions pas nombreux à avoir fait le déplacement à Pellevoisin, dans le Berry, pour la commémoration officielle des soixante-dix ans de la mort de Georges Bernanos. Heureusement, la mairie du village où il repose, le conseil départemental de l’indre et la communauté religieuse locale des frères de Saint-Jean avaient réussi une belle mobilisation locale. Avec l’ancien député socialiste des Yvelines, Jean-Philippe Mallé, et le journaliste du Figaro, Sébastien Lapaque, nous n’oublierons pas de sitôt l’hospitalité de nos hôtes, dévoués à la mémoire de l’enfant du pays, dans cette diagonale du vide, laissée pour compte de l’aménagement du territoire. 

Pourquoi lire l’œuvre de Georges Bernanos à l’aube du xxie siècle ? Pour des raisons bien différentes de ses succès passés. Romancier catholique rendu célèbre par Sous le Soleil de Satan (1926) et son Journal d’un curé de campagne (1936), Bernanos est aujourd’hui redécouvert par de jeunes lecteurs enthousiastes (un cercle portant son nom s’est récemment fondé à Sciences-Po) qui viennent puiser dans ses essais et écrits de combat une sève anticonformiste et une saine critique de la modernité. Si l’on lit toujours avec profit Les Grands cimetières sous la lune (1938), cri de colère contre les compromissions cléricales durant la guerre civile espagnole, si l’on vibre encore à la lecture de ses articles de guerre destinés à soutenir, depuis le Brésil, l’effort de résistance entamé à Londres par le général de Gaulle, on demeure surtout fasciné par l’aspect prophétique des pages de La France contre
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(1946). 

C’est l’actualité du message angoissé de ce père de famille nombreuse que commente l’écrivain Sébastien Lapaque en introduction au recueil des textes qu’il a consacrés à Georges Bernanos depuis vingt ans : « La colère qui le porte ne vise plus le Reich de Hitler, mais l’Amérique capitaliste et la Russie soviétique. Elle ne dénonce plus la volonté de puissance du Surhomme nazi mais le “futur empire économique universel”, qu’il soit ploutocratique ou marxiste, avec la certitude que le “mauvais rêve” qui a commencé avec la Révolution bolchévique en octobre 1917 et s’est prolongé par l’accession au pouvoir de Hitler en Allemagne n’a pas fini le 8 mai 1945. » Ce refus de fêter avec enthousiasme la Libération ne lui fut pas pardonné par ceux qui, acclamant le général de Gaulle en 1944 après s’être accommodé du maréchal Pétain en 1940, étaient déjà prêts à devenir les compagnons de route du marxisme à la sauce soviétique. Débarrassés que nous sommes des deux grands totalitarismes mais nullement des désordres causés par le capitalisme désormais seul triomphant, l’œuvre de Bernanos n’a de cesse de nous rappeler que c’est l’Homme et non la Technique qui seul doit demeurer au centre de la Civilisation. La simplicité de l’hommage de Pellevoisin, loin de la pompe habituelle des célébrations parisiennes, était en parfaite cohérence avec le message de Bernanos.
 

Sébastien Lapaque, Georges Bernanos encore une fois,
Les Provinciales, 2018 – 18 €

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