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Union européenne, une présidence très politique

parFrançois LAFOND, conseiller spécial du vice Premier ministre en charge des Affaires européennes de la République de Macédoine du Nord

Articles de la revue France Forum

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L'Italie a assuré la présidence de l’Union européenne du 1er juillet au 31 décembre 2014, période de transition importante pour l’ensemble des trois institutions européennes. Avec un Parlement européen fraîchement élu en mai et le renouvellement programmé de la Commission européenne au 1er novembre, le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi, avec son secrétaire d’État en charge des affaires européennes, Sandro Gozi, a su piloter ce semestre européen en grand tacticien de la politique. Et les résultats, en dépit de certains commentaires quelque peu hâtifs, sont loin d’être négligeables.

Reprenant le travail lancé par son prédécesseur, Enrico Letta, et prolongeant en cela les tentatives opérées par le président français, François Hollande, la volonté de la présidence italienne était de réorienter la construction européenne vers davantage de croissance économique et de trouver les moyens de relancer l’activité économique, allant au-delà des seuls objectifs de la réduction des déficits publics et des réformes structurelles.

Le scepticisme exprimé dans les urnes quant à l’efficacité du projet européen s’ajoute à des données économiques objectives médiocres de la zone euro, dont celle du chômage des jeunes n’est pas la moins inquiétante. Mais, en dépit d’un nouveau sommet européen à Milan1 dédié à une meilleure utilisation de la « garantie jeunes » déjà lancée par la Commission européenne à la suite de deux sommets précédents (à Berlin et à Paris), ce n’est finalement pas dans les chiffres du chômage qu’il faut chercher des motifs de satisfaction. Mais plutôt dans une nouvelle narration qui aurait eu comme impact d’inverser l’orientation de la construction européenne, trop centrée depuis le début de la crise, en 2008, sur la seule survie de l’euro et sur le nécessaire respect du pacte de stabilité et de croissance. Grâce à cette dynamique politique, combinée au lancement du plan d’investissement de 315 milliards d’euros du nouveau président de la Commission, Jean-Claude Juncker, le gouvernement italien peut ainsi se prévaloir d’avoir impulsé de nouvelles priorités politiques et programmatiques à l’Europe.

Avec la publication d’une communication de la Commission européenne sur les « nouvelles orientations détaillées décrivant la manière dont elle appliquera les règles existantes du pacte de stabilité » et l’intervention effective de la Banque centrale européenne de Mario Draghi sur les marchés quelque temps après la fin de la présidence italienne, les faits semblent donner raison au volontarisme politique de Matteo Renzi, alors que la chancelière allemande, Angela Merkel, avait été plus que réticente.

De la même manière, les flux d’immigration illégale, avec les débarquements presque quotidiens sur l’île de Lampedusa en particulier, avaient été identifiés comme l’une des priorités à traiter au niveau européen. D’un programme spécifique, Mare Nostrum, mis en place par le gouvernement italien pour parer au mieux à l’urgence des débarquements avec une surveillance renforcée et un premier accueil de ces débarqués, l’objectif était « d’européaniser » le problème : que l’Italie ne soit pas laissée seule face à un tel enjeu humanitaire.

La présidence italienne est, par conséquent, parvenue à faire adopter des « actions à entreprendre pour améliorer la gestion des flux migratoires ». Le lancement de l’opération Triton, permettant de concrétiser cet effort commun et la reconnaissance qu’il s’agit bien, à 30 miles des côtes italiennes, de la frontière européenne, en est un résultat concret.

Enfin, le gouvernement italien aura favorisé l’adoption par le Conseil européen, à la fin du mois d’octobre, du « paquet climat-énergie » pour la période 2020-2030, permettant d’avoir une Europe unie à quelques mois du grand rendez- vous de la conférence Paris Climat 2015 (COP21) en proposant des objectifs (40 % de réduction des émissions, 27 % d’énergies renouvelables et 27 % d’efficacité énergétique).

D’autres mesures adoptées lors de ce semestre pourraient être évoquées, témoignant qu’en dépit d’un calendrier compliqué la présidence italienne est parvenue à démontrer qu’intérêt national et engagement européen pouvaient parfaitement se combiner.  


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1. 8 octobre 2014. 

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