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Exposition : Sonia Delaunay, les couleurs de l'abstraction

parFrançoise COLIN-BERTIN, vice-présidente de l'institut Jean Lecanuet

Articles de la revue France Forum

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Venue de Russie, Sonia, née Stern, arrive à Paris en 1906, au moment où les post-impressionnistes, Gauguin, Van Gogh, les fauves avec Matisse, Van Dongen…, avaient tous peu à peu affirmé les valeurs constructives, structurantes, sensitives, émotionnelles de la couleur, et insisté sur la force des contrastes des primaires ou des complémentaires qui, juxtaposées, s’exaltent au lieu de s’appauvrir. Seurat et Signac avaient déjà démontré qu’un orange et un vert ou un violet s’opposent, mais prennent davantage d’intensité. Les premiers portraits et les nus de Sonia intègrent ces recherches tout en se rapprochant de l’expressionnisme allemand. Coup de foudre pour Robert Delaunay, mariage en 1910, et les voilà lancés dans le jeu des formes géométriques et des couleurs dynamogènes. Ils inventent l’abstraction colorée. Refusant d’être « cubiste », proclamant le caractère spontané et dynamique de ses compositions colorées et lumineuses, Sonia appelle son art le simultanisme. Apollinaire le qualifiera d’orphisme, en 1912. Elle montre les aspects de la vie et de la ville modernes ; vivacité de la lumière électrique, vitesse du mouvement (comme les futuristes), les bals où tout le monde danse et virevolte dans des tenues bigarrées. C’est le Bal Bullier, La Prose du Transsibérien avec Blaise Cendrars, et très vite la création de vêtements constitués de patchworks, des costumes de scène pour Diaghilev ou pour des chanteurs et des danseuses de flamenco. La Casa Sonia à Madrid, puis, en 1921, l’atelier de couture à paris, l’« atelier simultané », où elle dessine des tissus pour des industriels ou des pièces uniques, tout à fait de style art déco. Les robes-poèmes deviennent ensuite dadaïstes, les costumes pour le théâtre ou le cinéma muet annoncent une « mode-future », les décors intérieurs aux effets géométriques/vibratoires de son appartement dessiné par Mallet-Stevens préfigurent l’art optique. Enfin, l’art mural – le palais de l’air pour l’Exposition internationale des arts et techniques de 1937 – lui permet de concevoir d’immenses panneaux de rythmes colorés animés d’un mouvement giratoire rappelant les premiers prismes. Art total d’une femme d’avant-garde. Laissez-vous emporter par la liberté et la singularité des formes abstraites, mettez de la couleur dans la vie, pourrait être son message.

Françoise COLIN-BERTIN
conférencière nationale

Musée d’art moderne de la ville de Paris, du 17 octobre 2014 au 22 février 2015 

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