NOTE DE LECTURE - PANORAMA

La liberté de religion dans la République. L'esprit de laïcité de Jean Picq

parFrançoise COLIN-BERTIN, vice-présidente de l'institut Jean Lecanuet

Articles de la revue France Forum

Quels sont les rapports entre la politique et la religion ?

Mais tout d’abord, que veut dire « entre » ? Union ou séparation ? Porte ouverte ou frontière fermée ? Ligne de partage ou de rencontre ? Échanges ou conflits ? Confrontations et convergences ? Jean Picq s’intéresse à cette difficile problématique en rappelant quelques étapes de l’histoire et plusieurs démarches philosophiques qui illustrent, depuis des temps, la complexité des liens entre la religion et le gouvernement d’un pays.

Après plusieurs siècles d’un système de monarchie de droit divin, la rupture fut totale entre république et religion à la Révolution ; seul l’abbé Grégoire demanda la liberté des cultes sans espoir. Par la suite, le débat sur l’État laïque eut lieu tout au long du XIXe siècle jusqu’au texte fondateur de la séparation de l’Église et de l’État de 1905. L’État devient alors le garant de notre liberté de penser, de croire, se doit de veiller à protéger la laïcité et de nous permettre de vivre ensemble avec un esprit de tolérance. Cette « puissance de la liberté » une et indivisible fut ensuite confirmée par la Convention de l’Onu de 1948 et celle du Conseil de l’Europe.

Sur le plan philosophique, Spinoza dès le XVIIe siècle décrit un pouvoir démocratique fondé nécessairement sur la liberté de chacun, la sagesse collective, le désir de concorde, l’égalité et la raison. En insistant sur la primauté de la raison et la liberté de l’homme, et sur la responsabilité politique de l’État, son Traité préfigure un régime de séparation du politique et du religieux. La déclaration de Vatican II, en 1963, novatrice par rapport au passé, a reconnu l’État de droit et affirmé la liberté religieuse pour tous en la fondant sur la dignité humaine. Aujourd’hui, Emmanuel Levinas affirme la nécessité de l’autonomie du politique et la laïcité des institutions, et appelle au refus de l’idolâtrie de l’État ; une confusion du religieux et du politique risque d’entraîner toute forme de totalitarisme ou de régime théocratique, terrifiant pour la liberté de l’Homme. L’Histoire nous en a donné des exemples !

À partir de ces références, l’auteur développe l’idée de la nécessité d’une séparation du temporel et du spirituel, mais aussi d’un lien constructif entre laïcité et respect des croyances religieuses, dans un esprit de tolérance, de fraternité. Et de conclure : « Il y a une vision des relations entre politique et religion sur un jeu d’échanges qui renforce la liberté. […] La liberté devrait être toujours première. Il me semble que cette liberté de penser qui est au coeur du projet démocratique et du message évangélique – “votre foi vous rendra libres” – est aussi au principe de la laïcité. » 


Éditions Odile Jacob, 2014 – 22,90 €

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