©CC0/www.pixabay.com

Union européenne, et maintenant ?

parFrançois LAFOND, conseiller spécial du vice Premier ministre en charge des Affaires européennes de la République de Macédoine du Nord

Articles de la revue France Forum

-

L'année 2014 peut d’ores et déjà être considérée comme une année charnière dans la construction européenne, avec le renouvellement du Parlement européen en mai, la désignation du nouveau président de la Commission européenne et l’installation de celle-ci à partir du 1er novembre et, enfin, le choix du nouveau président du Conseil européen. Un nouveau paysage institutionnel européen avec des femmes et des hommes politiques qui incarneront la re-dynamisation souhaitée de l’Union européenne en assumant des choix définissant les contours et le rayonnement de notre continent pour les cinq prochaines années.

Le débat en France, mais plus généralement en Europe à l’occasion de la campagne électorale, n’a pas véritablement fait émerger l’ampleur des défis que l’union européenne doit encore relever. Cette pusillanimité et le silence sur les décisions à prendre ne sont pas de nature à éclairer le citoyen sur son avenir et certainement pas à le mobiliser lors du vote ou à susciter son intérêt. La crise financière ne menace plus l’existence même de l’édifice communautaire, et en particulier de l’euro, mais les crises économique et sociale gangrènent nos sociétés vieillissantes dans un environnement mondial toujours plus concurrentiel.

Reste que des questions existentielles devront trouver des réponses, à l’échelle européenne, faute de quoi la France, mais également ses partenaires européens auront du mal à échapper à un lent déclin.

Au-delà des traditionnelles interrogations quant aux frontières de l’Union, à la cristallisation du nombre de ses membres ou encore à l’ampleur du budget qui nécessiteraient des clarifications salutaires, deux autres questions sont particulièrement emblématiques et significatives de l’orientation que l’on souhaiterait prendre. La première, qu’il conviendra d’aborder de façon pragmatique et en fonction des domaines considérés, est celle de l’exercice de la souveraineté et de son partage. En l’état actuel des opinions publiques, fragilisées par le recalibrage des systèmes de protection sociale, la poursuite du transfert de pouvoir (ou même de son partage) à des institutions supranationales n’est pas spontané sauf lorsque l’urgence d’une situation de crise oblige les États à l’accepter. Comme dans le cas de l’union bancaire, qui se mettra en place avec une supervision unique directe (au moins pour les grandes banques) et un mécanisme de résolution centralisée. Le partage de souveraineté est, bien entendu, au coeur de la construction européenne et différencie l’intégration européenne de la simple coopération intergouvernementale. Cette dernière est utile, mais trouve rapidement ses limites. On le sait depuis le début de la construction européenne.

C’est pourquoi dans des domaines précis (croissance économique, marché intérieur, immigration, changement climatique, énergie, défense, éducation et recherche), la nouvelle Commission européenne, en charge des initiatives législatives, devra s’atteler à formuler des mesures favorisant l’efficacité de l’action communautaire, démontrant la valeur ajoutée évidente de son rôle et sa capacité à privilégier le long terme. Les intérêts à court terme, parce qu’à visée électorale ou strictement nationaux, deviennent anachroniques en 2014 et plaident en ce sens pour de nouveaux partages de souveraineté.

La deuxième ambiguïté dont il faudra chercher à clarifier toutes les potentialités sans cependant casser la dynamique européenne est la différentiation. Reconnaissons que la construction européenne est complexe, lointaine, technique et diverse selon les secteurs considérés. L’idée romantique d’une union de 28 États membres qui accepteraient systématiquement d’aller encore de l’avant à la même vitesse, au même endroit, avec la même intensité, est dépassée. Et le principal défi de la nouvelle Commission européenne, comme celui du Parlement européen, sera d’assumer ce constat et de s’assurer que ces différents ensembles déjà existants fonctionnent de manière optimale tout en étant également légitimes et acceptés par tous.

L’union européenne avec la zone euro (et ses institutions spécifiques), l’espace Schengen et l’augmentation des coopérations renforcées dans de nombreux domaines spécifiques (brevet communautaire, normes relatives aux divorces, etc.) reflètent la fragmentation du processus avec des institutions toujours plus différenciées, complexifiant par conséquent les mécanismes décisionnels. Et, bien entendu, la lisibilité de l’ensemble. Le temps de la démagogie, de la simplification outrancière et des caricatures n’est plus de mise. une période de choix s’ouvre avec la nouvelle configuration institutionnelle européenne 

Union européenne
Construction européenne
Crises
Réformes
Institutions européennes