Le commandement au sein de l'armée de terre
Articles de la revue France Forum
La formation au commandement : une autre exception française.
Dans la conduite des hommes au combat, le commandement doit susciter l’adhésion et faire accepter l’éventualité du sacrifice ultime ; il est au coeur du métier militaire. Comme l’a montré Yves Cohen1, les notions de leadership, de commandement ou de Führung en Allemagne sont apparues quasi simultanément à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Le terme commandement est préféré par les Français à celui de leadership employé par les Américains. Les officiers français interrogés à ce sujet s’accordent sur ces désignations nationales ; ils aiment tout autant attribuer une logique bien civile (entrepreneuriale) au leadership pour se distinguer dans l’art, jugé plus noble, du commandement2. Si l’emploi massif de ces termes résulte du fait que l’on commence à réfléchir et à penser scientifiquement les choses véritablement à cette période, les pratiques associées sont, bien évidemment, plus anciennes.
Par le passé, les hiérarchies étaient aristocratiques (Ancien Régime), signifiant par là que les officiers connaissaient leurs hommes, étaient connus d’eux et disposaient d’un ascendant social de classe (maîtrise du verbe, prestance) leur attribuant le droit de les commander et celui de s’imposer « naturel - lement » aux autres. Avec les guerres de masse, la défaite de 1871, la loi de 1889 sur la conscription et le service militaire obligatoire et universel de 1905, il devient nécessaire de recomposer les hiérarchies, de penser de nouvelles méthodes de commandement et la meilleure façon d’obtenir d’autres motifs d’obéissance. C’est le maréchal Lyautey avec Du rôle social de l’officier3 qui lance...
—————
1. Le siècle des chefs. Une histoire transnationale du commandement et de l’autorité (1890-1940), Éditions Amsterdam, 2013.
2. John Keegan, L’art du commandement, Perrin, 2010.
3. 1891.