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America first : l'incertitude partout

parThomas FRIANG, président-fondateur de l’institut Open Diplomacy

Articles de la revue France Forum

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Le nouveau président des États-Unis a été clair : « It is going to be America first. » L’Amérique d’abord ! À première vue, rien d’étonnant puisque la politique étrangère d’un pays a pour objectif essentiel de défendre les intérêts de celui-ci. Toutefois, en répétant avec une telle vigueur, voire une telle violence, cet objectif, Donald Trump suscite bien des inquiétudes. « Imprévisible » sur la scène internationale, Trump commence à révéler son jeu et l’incertitude engendrée est à la hauteur de sa fermeté. En la matière, il existe un cas d’école : la régulation financière.

S’il est un domaine dans lequel le multilatéralisme fonctionne à plein, c’est bien celui-ci : les chefs d’État et de gouvernement s’accordent sur une direction à prendre à l’échelle mondiale au sein du G20 ; puis le comité de Bâle pour la supervision bancaire (entre autres organisations multilatérales) prépare un accord international, transcrit ensuite dans le droit national de chacun de ses États membres.

Après la crise financière, sous l’impulsion du G20 et préparées par ledit comité, des normes plus contraignantes ont été adoptées pour assurer une meilleure liquidité des établissements de crédit et garantir des fonds propres de plus grande qualité afin d’éviter des faillites bancaires1.

Toujours à la demande du G20, l’accord de Bâle III devait être complété avant la fin de l’année 2016. Il était notamment question de réviser les méthodes d’évaluation des risques auxquels sont exposées les banques afin d’assurer une plus grande homogénéité des calculs d’exigence en fonds propres dans toutes les juridictions des principales places financières.

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump a commencé par deux signes négatifs envoyés à la communauté internationale : primo, la désignation comme secrétaire au Trésor d’un ancien dirigeant de Goldman Sachs ; secundo, le décret présidentiel qui entame l’application de la loi Dodd-Frank. Adoptée par le Congrès pendant le premier mandat de Barack Obama, cette loi a pour but de renforcer le cadre de régulation bancaire, notamment les obligations envers la clientèle qu’ont les opérateurs de marché pour compte de tiers.

Mais le véritable coup d’arrêt qui symbolise le commencement de cette ère Trump – et l’incertitude globale qu’elle représente – est la lettre adressée par son administration à la présidente de la Réserve fédérale2 pour stopper net toute négociation en vue de l’avenant à l’accord de Bâle III tant attendu à la fin de l’année dernière : « Tant que le président n’aura pas remplacé l’intégralité des négociateurs en charge de défendre au mieux l’intérêt des banques américaines, les négociations doivent être totalement arrêtées. »

Les travaux menés depuis plusieurs années par le comité de Bâle pour la supervision bancaire à la demande du G20 sont donc gelés, laissant toute l’industrie financière et la communauté des régulateurs dans l’incertitude. Si en matière de régulation bancaire les États-Unis n’ont statutairement aucun droit de véto, la réalité de l’organisation mondiale des flux financiers confère à Donald Trump la possibilité de mettre le multilatéralisme en pause. Un cas d’école pour la coopération avec la première puissance mondiale.

 

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1. Accord de Bâle III traduit en droit européen par le Capital Requirement Regulation entré en vigueur en 2013.
2. Le Federal Reserve Board est la banque centrale des États-Unis, en charge de mener à bien les négociations internationales en matière de régulation bancaire auprès du comité de Bâle pour la supervision bancaire.

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