La communauté turque de France en 2020
Articles de la revue France Forum
La seule assimilation n’est pas porteuse en termes d’image.
Historiquement, les travailleurs immigrés turcs arrivent massivement en France entre les années 1970 et 1974, tout juste avant la fermeture des frontières, conséquence du choc pétrolier mondial. La preuve en est qu’en 1968, trois ans après la signature de la convention de main-d’oeuvre entre la France et la Turquie, l’insee recense 7 628 Turcs en France alors que ce nombre atteint 50 860 en 1972 et passe à 123 540 en 1982. Selon les derniers chiffres donnés par diverses sources1, les personnes originaires de Turquie seraient actuellement plus de 700 000 dont plus de la moitié ayant maintenant acquis la nationalité française.
UNE COMMUNAUTÉ INTÉGRÉE MAIS PAS ASSIMILÉE. Les Turcs sont décrits, dans tous les pays où ils sont présents, comme fortement marqués par une conscience migratoire élevée2, érigée à partir de l’exil. Cette identité est construite autour de valeurs telles que la religion, le nationalisme (la turcité) et l’attachement nostalgique au pays (gurbet3). Cette nostalgie rappelle à chacun son exil et son extranéité à la société environnante. Elle constitue le lien affectif à la terre quittée ou à celle des ancêtres.
Grâce au processus du regroupement familial, les femmes4 et les enfants rejoignant les maris et pères déjà présents sur le territoire français, l’immigration turque devient pérenne. Pour de nombreuses familles, le projet de retour définitif en Turquie s’estompe progressivement, au point d’assister à une stabilisation dans l’installation en France. Le choix de la naturalisation prend alors de l’envergure dès le milieu des années 1990, notamment pour les jeunes de la deuxième génération, nés et scolarisés en France, qui n’ont qu’une seule envie : s’intégrer professionnellement et socialement dans la société environnante. Pour autant, parmi tous les immigrés de France, les turcophones ont la particularité d’une...
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1. La direction générale des Relations extérieures et des Aides aux travailleurs à l’étranger, ou encore l’ambassade de Turquie à Paris.
2. Riva Kastoryano, Être turc en France. Réflexions sur familles et communauté, L’Harmattan, 1986.
Altay Manço, Turquie : Vers de nouveaux horizons migratoires ?, L’Harmattan, 2005 ; Processus identitaire et intégration. Approche psychosociale des jeunes issus de l’immigration, L’Harmattan, 2006.
Stéphane de Tapia, « Les Migrations turques contemporaines. Nouvelle diaspora ou dernier avatar d’une expansion linguistique en Eurasie continentale ? », in Lisa Anteby-Yemini, William Berthomière et Gabriel Sheffer (sous la direction), Les diasporas. 2000 ans d’histoire, Presses universitaires de Rennes, 2005, pp. 347-370 ; « Les Turcs expatriés en 2005-2006 : combien sont-ils ? Où sont-ils ? Les étrangers en Turquie : combien sont-ils ? D’où viennent-ils ? », Revue européenne des migrations Internationales, volume 22, n° 3, 2006.
3. Sentiment très particulier qui n’est pas exactement de l’ordre de la simple nostalgie, il s’apparente au spleen. Voir Stéphane de Tapia, « Immigrations turques en Europe : typologies des espaces et des réseaux », in Paul Dumont, Jean-François Pérouse, Stéphane de Tapia et Samim Akgönul (sous la direction), Migrations et mobilités internationales. La plate-forme turque, Institut français d’études anatoliennes, Istanbul, 2002, pp. 30-77.
4. Une femme turque venant dans le cadre du regroupement familial est souvent l’épouse d’un ouvrier dans les années 1970 et celle arrivée dans les années 1990 possède au moins le baccalauréat.