Le 19 octobre 2015, les électeurs canadiens ont choisi de remplacer le gouvernement conservateur de Stephen Harper, en poste depuis 2006, par un gouvernement libéral, dirigé par Justin Trudeau. À peine âgé de 43 ans au moment de l’élection, le nouveau Premier ministre, très charismatique, projette une image résolument optimiste et explicitement teintée de valeurs progressistes. Ces traits ont largement trouvé écho dans le discours électoral des libéraux sur des thèmes de politique étrangère et dans leur attitude au cours des mois suivant l’élection. Le slogan selon lequel « le Canada est de retour dans le monde » fait désormais partie du vocabulaire officiel.

L’AN I : TOURNER LA PAGE DES ANNÉES HARPER. Si le Canada est « de retour », où était-il donc passé ? Comme bien des gouvernements fraîchement élus, les libéraux semblent chercher à se démarquer de leurs prédécesseurs. Il faut reconnaître que, sous bien des rapports, la politique étrangère des conservateurs de Harper était aux antipodes de celle pratiquée, d’une manière ou d’une autre, par les gouvernements qui se sont succédé à Ottawa depuis 1945.

La politique du gouvernement Harper peut être qualifiée de « néoconservatrice », non pas seulement en raison de sa ressemblance avec son homonyme américain, mais parce qu’elle représente une application, inédite au Canada, des idées conservatrices aux affaires internationales. Ainsi, alors que les institutions internationales, et au premier chef l’Organisation des nations unies, représentaient le pilier de l’approche libérale, elles ont été critiquées pour leur inefficacité et boudées par les conservateurs. Le maintien de la paix, qui symbolisait cet engagement multilatéraliste, avait disparu de l’agenda politique. S’éloignant radicalement de l’attitude réservée et prudente qui doit accompagner...