Innovation thérapeutique : comment résoudre l'équation ?
Articles de la revue France Forum
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L'innovation dans le domaine des médicaments s’accélère, au bénéfice des patients. On peut désormais soigner des hépatites C ou proposer des traitements thérapeutiques inédits contre des pathologies graves comme les mélanomes ou les cancers du poumon métastasés. Dans ces conditions, la France, pour être fidèle à son contrat social d’après-guerre, doit apprendre à résoudre une équation difficile : comment permettre à tous les patients qui en ont besoin d’accéder à ces médicaments en préservant la rentabilité de l’écosystème de la santé et notamment des laboratoires pharmaceutiques ?
Dans le domaine pharmaceutique, le prix de l’innovation fait parfois polémique. Mais il faut rappeler que, comme pour tous les biens, ce prix reflète la valeur qu’elle apporte. Or, elle ne saurait être considérée uniquement à l’échelle individuelle, celle du patient qui bénéficie de ses effets thérapeutiques. Il faut, en effet, prendre en compte sa dimension collective qui bénéficie à la société tout entière, ce que les économistes appellent les « externalités positives ». Un patient guéri ou sous chimiothérapie orale est un patient qui n’est plus à l’hôpital et qui peut, parfois, reprendre ses activités professionnelles.
À cela s’ajoutent des spécificités mal connues des business models de l’innovation thérapeutique. Premièrement, le temps de développement des nouvelles molécules est très long. Il s’écoule de vingt à trente ans entre la définition du concept scientifique et la mise sur le marché du médicament. Deuxièmement, le risque industriel est élevé. Une molécule sur 10 000 criblées sera commercialisée, ce qui n’exclut pas ensuite un retrait de marché après une utilisation à grande échelle en conditions réelles. Seules 30 % des molécules entrant sur le marché remboursent les investissements. Le risque d’échec est une composante essentielle de la formation du prix sans compter qu’il existe, comme pour tout bien ou service, un risque de marché.
Comment ne pas compromettre l’innovation future ? La réflexion doit s’orienter dans deux directions complémentaires. D’abord, comment faire évoluer le mode de régulation des prix ? En effet, l’innovation peut aussi concerner la régulation des tarifs ! Ensuite, vu le coût de l’innovation et son potentiel de diffusion, nous n’échapperons pas à une réforme structurelle du système de soins (dans les domaines de la prévention, de la régulation de l’offre, de la prise en charge financière…) pour augmenter sa productivité globale, mieux réguler les dépenses et dégager de nouveaux financements. Il ne s’agit pas de mettre en place des réformes punitives, mais au contraire de réfléchir à des améliorations de nos écosystèmes de santé afin de faire en sorte que tous les Français puissent bénéficier de progrès thérapeutiques passés, présents et à venir.