Qui ne se souvient, par exemple, de cette publicité pour les chocolats Ferrero Rocher (« les réceptions de l’ambassadeur sont toujours réussies »), inondant, chaque soir, les écrans télé du monde entier ? Elle aura contribué à enraciner cette image d’homme, certes raffiné et de bon goût, mais dilettante, voire pusillanime. Il est vrai qu’en nommant parfois à la tête de leurs plus grandes ambassades des écrivains, des poètes ou même les bailleurs de fonds de campagnes électorales, les chefs d’État (américains, français ou autres) ne risquaient pas de redorer cette image. « Les diplomates ne sont utiles que par beau temps. dès qu’il pleut, ils se noient dans chaque goutte », disait d’eux le général de Gaulle, témoignant de son immense respect pour la fonction...
Et s’il n’y avait que la considération à géométrie variable de leurs puissants donneurs d’ordre ! À chaque progrès technique ou technologique, de la marine à vapeur à l’avion en passant par le TGV ou Internet, la fin des diplomates a été annoncée. Puisque chaque ministre, chaque directeur d’administration centrale peut se déplacer sans difficulté ou entrer en contact dans l’instant avec les endroits les plus reculés du monde, à quoi bon maintenir un réseau diplomatique aussi étendu ? Le multilatéralisme onusien ou bruxellois ne sonne-t-il pas, lui aussi, le glas de ce monde du bilatéralisme, du protocole, des résidences, des valises diplomatiques et des télégrammes cryptés ? Quant au rôle d’informateur conféré au diplomate, quelle nouvelle l’ambassadeur pourrait-il transmettre à son gouvernement que celuici ne connaît déjà par les chaînes d’information en continu ou les sites d’investigation ?
Décriés, relégués, moqués, les diplomates sont pourtant toujours fidèles au poste. Et même plus que jamais ! toutefois, de plus en plus, l’ambassadeur affable et discret a su se transformer en homme (ou femme) de combat et de communication. Le politique est toujours là, au coeur de l’activité névralgique des chancelleries, mais l’économie, l’écologie ou la culture sont devenues tout aussi prioritaires. Pour ce qui est de la France, certains postes diplomatiques régressent en effectif (l’ex-empire) alors que d’autres croissent (les BRICs), des missions régressent (l’information) alors que d’autres s’amplifient (l’analyse), des résidences sont vendues alors qu’au nom de la diplomatie d’influence des lycées français ou des centres culturels se construisent. les Français émigrent de plus en plus, dit-on, et c’est alors le rôle des consulats généraux d’accompagner ces nouvelles diasporas.
Non seulement le diplomate n’a pas disparu, mais avec la globalisation, qu’on se le dise, tout le monde est et sera diplomate : le chef d’entreprise qui doit trouver à l’autre bout du monde la croissance et les marchés qu’il n’a plus en France et se débattre avec une administration inconnue ; l’humanitaire qui ne doit plus compter sur son seul drapeau blanc ou sa croix rouge pour être à l’abri d’une rafale de Kalachnikov ; le militant écologiste qui observe l’appétit croissant des États et des multinationales pour les océans et doit s’improviser négociateur en chef dans les conférences internationales ; l’universitaire, l’intellectuel ou le sportif qui se retrouve, tout à coup, maillon clé d’une stratégie d’influence et chantre du soft power ; le lanceur d’alerte qui, d’un seul clic, derrière son ordinateur, peut faire trembler Poutine, Obama ou Merkel, et se retrouver le lendemain avec tous les services de renseignements du monde sur le dos. Il n’y a jamais eu autant de monde aux réceptions de l’ambassadeur !